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REINE D’ARBIEUX

Comme il sortait, un peu détendu, l’espoir lui vint qu’elle serait rentrée en son absence. Il hâta sa marche, réprimant avec peine l’envie de courir. Mais, au premier coup d’œil jeté dans la maison morne, où Génie circulait d’un pas fatigué et traî­nant comme un automate, il sut que rien n’était changé. Derrière une vitre, la vieille femme le vit traverser la route : il allait vers le garage, semblait réfléchir. Une humble pitié dilata son cœur.

Que le temps était clair, d’une paix insolente, et les ombres d’un bleu léger, en ce matin où l’auto de Germain vola sur la route ! L’azur doré d’un jour de novembre élargissait à l’infini l’anneau pur du ciel. Il avait pris un chemin détourné pour ne pas traverser le bourg. La même mauvaise honte lui fit éviter plus loin la sous-préfecture. Ne vivait-il pas un étrange rêve ? La brise posait une main fraîche sur son front brûlant, sur ses pau­pières, sur ses mains crispées. Dévoré du désir d’arriver à La Font-de-Bonne — quel autre refuge eût-elle cherché ? — savait-il ce qui l’emportait en lui de l’angoisse ou de l’espérance ?

Déjà, il apercevait l’allée d’ormeaux. Il songeait à Reine. Où était-elle, cette femme en apparence si douce, qui s’était enfuie ? Il l’avait pourtant prise dans une de ces familles bourgeoises, pétries de morale et de religion, traditionalistes sur tous les points, où rien de semblable n’arrivait jamais. Au fait, Reine était-elle pieuse ? Parce que l’église était éloignée de leur maison, elle n’allait à la messe