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REINE D’ARBIEUX

collé sur son front d’enfant ses cheveux en désordre, et la lampe électrique pendue au plafond éclairait durement son visage hagard.

Elle se coucha, tourna le commutateur. Combien de temps dura le lourd sommeil qui la terrassa ? L’obscurité était profonde quand elle se réveilla en sursaut, s’assit sur son lit. Où se trouvait-elle ? Tout à coup son cœur se mit à battre follement : elle se rappelait. C’était l’instant où reparaît la réalité, dans l’esprit d’abord ébranlé par le choc, et qui recouvre ses forces lucides. Jeune femme délicate, d’une honnêteté passionnée, elle aurait l’air de s’être enfuie avec son amant. Elle courba la tête jusqu’à ses genoux et sanglota avec désespoir.

— Je n’ai jamais voulu cela, répétait-elle dans ses larmes, se tordant les mains.

Non, elle n’aimait pas Adrien, elle le détestait… L’image lui vint du masque rigide qu’elle avait entrevu au-dessus d’elle, dans leur fulgurante course nocturne : ce front battu par le grand vent contenait la résolution de la perdre ; cette bouche, qui avait répandu les paroles amicales ou insidieuses, était serrée par une volonté impitoyable.

Elle croyait entendre la voix de Germain :

— Une femme comme vous, s’éprendre de ce fruit sec…

Stupéfaite, elle s’interrogeait, ne pouvant plus comprendre quelle fatalité — ou quel magnétisme — l’avait attirée cette nuit encore, dans l’om-