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Il comprit qu’elle l’avait cherché et frémit de joie. Il ne lui restait que cette minute. Mais il la vivait. Sur son visage marqué par l’angoisse, le voile de tristesse se déchirait.

— Moi aussi, dit-elle, je voudrais partir. Mais où irais-je ?

Sa peine était en elle comme un poids obscur. Dans ses yeux flottait la détresse des femmes seules. Régis l’enveloppa de son bras. Sa tête un peu renversée, d’un blanc mat de fleur, elle s’abandonnait, se laissait bercer, à la fois touchée et désespérée de sentir en lui ce cœur compatissant. Combien la présence de Régis l’avait tourmentée en excitant au fond de son être une soif plus ardente ! Elle aurait voulu parler et ne trouvait rien. Le chagrin de le perdre la laissait sans force, désarmée, muette, comme celles qui, d’avance, se savent vaincues.

Régis se taisait, absorbant pour l’éternité, dans son cœur, l’arome léger qui s’exhalait d’elle. Cette minute parfaite de sa vie, il la savourait. Rien ne pourrait la lui ôter. Avec une ardeur muette et tendre, il regardait Reine, s’émerveillait que tout en elle, à travers ses larmes, semblât transparent. C’était le charme de ce visage que la mobilité des expressions où se reflétait, sincère, lumineuse, comme animée d’un souffle rapide, sa jeunesse exquise.

Elle se lamentait, d’une voix assourdie, sur sa vie entière.

— Il ne m’est jamais rien arrivé d’heureux.