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REINE D’ARBIEUX

— Ma chérie, dit-elle, la semaine suivante, à peine enfoncée dans le fauteuil qu’elle avait élu, j’ai une bonne nouvelle à t’annoncer…

Elle venait d’apprendre que l’hôtel de la Brèche était mis en vente. Le gros industriel qui l’avait acheté, sur des bénéfices de guerre, passait pour avoir « refilé » son argent en Bourse aussi vite qu’il l’avait gagné. C’était le cas de dire que bien mal acquis ne profite pas. « Parles-en tout de suite à ton mari, » insistait la vieille dame, qui voyait déjà sa nièce installée dans ce cadre seigneurial. Et elle se rappelait, au temps de ses visites de noces, un mot de M. Fondespan : « Ta sœur a un bien bel escalier. » Dans la bouche d’un homme qui ne trouvait jamais rien à sa convenance, cette exclamation l’avait frappée.

Reine leva des yeux étonnés. Quelle singulière expression avait son visage : quelque chose de frais et de simple, un air d’enfance.

— Germain se plaît dans cette maison, dit-elle, et moi aussi ! La vue est jolie ! Que ferions-nous en ville, dans une rue sombre ? L’hôtel serait beaucoup trop grand.

— La vue, riposta la vieille dame, suffoquée par tant de candeur.

Sur toutes choses, depuis la façon de placer son argent — principalement sur hypothèques, parce que la terre aura toujours sa valeur — jusqu’à l’entretien des tapis et des cachemires, elle avait des principes à imposer, non moins intangibles que les commandements de l’Église et de la morale.