la nuit, ruisselant de sueur, escorté sur les routes poudreuses d’un chien harassé et tirant la langue. Bernos le connaissait. C’était un homme mené par ses passions ; qu’il s’agît de chasse ou de femme, il lui fallait, coûte que coûte, les satisfaire. Un sourire silencieux descella les lèvres rasées. Il avait un menton de galoche, aux muscles secs, qui donnait au visage un air d’audace et d’ambition.
Sourbets causait toujours, tête nue, avec le paysan près de la carriole. Le soleil de dix heures blanchissait la campagne. La main immobile parmi les papiers, Bernos songeait, le regard fixé sur des événements qu’il imaginait : une circonstance heureuse, puis une autre, comme dans un film, se présentaient à sa pensée. Son heure se levait ! Mais quelle heure ? Ce qu’il éprouvait dans le fond obscur de lui-même, n’était-ce pas une frénésie intérieure plus enivrante que l’amour ? Cet homme immobile, en arrêt, sentait tourner la roue du destin.
Depuis le déjeuner où il avait eu l’occasion de retrouver Reine, il avait fait à la petite maison des glycines deux ou trois visites ; bien que Sourbets lui parût plus conciliant qu’il ne l’avait vu jusque-là, il s’était tenu sur ses gardes, se montrant réservé, et même un peu cérémonieux, sans que lui échappât le plaisir que la jeune femme prenait à le recevoir. De cette sympathie, il avait l’intuition cachée ; il y pensait, dans sa solitude, comme on se repaît d’une satisfaction ignorée de tous, qu’il est de la plus grande importance de