tions. Sarrasine, on me l’a aussi expliqué, était un élève de Bouchardon, comme nous, pensionnaire du roi à Rome, où il mourut dans les six premiers mois qui suivirent son arrivée.
— Mais par qui, comment mourut-il ?
— Probablement de maladie, repartis-je, sans me douter que je faisais-là une sorte de réponse prophétique à l’adresse de celui auquel je parlais.
— Point du tout, répliqua Desroziers, les artistes n’ont pas une manière si bête de mourir ; et il me donna les détails suivants :
« Garçon de génie, mais homme de passions ardentes, Sarrasine, presque aussitôt après son arrivée à Rome, était tombé amoureux fou de la première cantatrice du théâtre d’Argentina, nommée la Zambinella.
» À l’époque où il s’était pris de cette passion, le pape ne permettait pas qu’à Rome les femmes parussent sur le théâtre ; mais, par une opération chirurgicale également très-connue et pratiquée en Orient, on tournait la difficulté. La Zambinella était un des plus merveilleux produits de cette industrie. Furieux d’apprendre où il avait fourvoyé son amour, Sarrasine, qui avant cette terrible lumière avait fait d’imagination la statue de sa maîtresse apocryphe, avait été sur le point de la tuer, mais elle était protégée par un haut personnage qui, prenant les devants, avait rafraîchi le sang du farouche sculpteur par deux ou trois coups de stylet sûrement dirigés.
» La Zambinella n’avait pas approuvé cette violence, mais elle n’en avait pas moins continué de chanter au théâtre d’Argentina et sur tous les théâtres de l’Europe, en amassant une fortune princière.
» L’âge arrivé pour elle de quitter la scène, elle était devenue un petit vieillard coquet, timide, mais volontaire et capricieux comme une femme.
» Donnant toute l’affection dont il était capable à une nièce merveilleusement belle, il l’avait mise à la tête de sa maison ; c’était la madame Denis de cet étrange Voltaire, et il la destinait à recueillir son immense héritage.