Imagine un petit vieillard dont les mains et le visage sont arrivés à un tel état de dessiccation, qu’auprès de lui une momie t’eût semblé étaler un appétissant embonpoint.
Vêtu d’une culotte de satin noir, d’un habit de velours violet coupé à la française, d’un gilet blanc brodé d’or d’où s’échappe un énorme jabot de point d’Angleterre, ce squelette a les joues couvertes d’une couche épaisse de carmin, qui fait d’autant ressortir le ton parcheminé du reste de la peau ; puis, par-dessus une perruque blonde frisée à petites boucles, il est affublé d’un immense chapeau à plumes, posé crânement sur l’oreille de manière à provoquer, quoi qu’ils en aient, l’hilarité des visiteurs les plus respectueux.
Après un coup d’œil donné à cette ridicule et lamentable exhibition, préliminaire obligé des funérailles dans l’étiquette de l’aristocratie romaine :
— Voilà la fin ! me dit Desroziers ; maintenant viens-t’en voir le commencement.
Cela dit, sans répondre à aucune de mes questions, parce qu’il avait à économiser un effet dramatique, il me mène au musée Albani, et me plaçant devant une statue qui représente Adonis couché sur une peau de lion :
— Que te semble de cela ? me dit-il.
— Ça ? répondis-je après un premier coup d’œil, c’est beau comme l’antique.
— Antique comme moi ! reprend Desroziers ; et, sur un coin du socle, il me fait lire la signature : Sarrasine 1758. (Voir Sarrasine.)
— Antique ou non, c’est un chef-d’œuvre, repris-je quand j’eus fini de contempler sous tous les aspects cette délicieuse création, mais ce chef-d’œuvre et la hideuse caricature que tu m’as mené voir tout à l’heure, comment cela nous conduit-il en Sicile ?
— Moi j’eusse d’abord commencé par demander ce que c’est que Sarrasine.
— Inutile, répondis-je ; on m’avait déjà parlé de cette statue ; elle m’était sortie de la mémoire, parce qu’à l’époque où j’étais venu pour la visiter le musée Albani était fermé, comme disent les affiches de théâtre, pour cause de répara-