Page:Balzac-Le député d'Arcis-1859.djvu/267

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ouvriers, peintres, maçons, vitriers, jardiniers, treillageurs, et tandis que le maire de la ville s’en va piètrement à pied, de nous montrer tout à coup, dans Arcis, avec une calèche élégante et deux chevaux fringants que notre père, qui n’est pas aux cieux, mais à Paris, voulant se montrer plus aimable de loin que de près, nous a envoyés d’urgence, pour en écraser, je pense, le tigre et le tilbury de monsieur de Trailles ; deux choses dont avant notre venue il avait été énormément parlé.

Ce soir, madame, pour couronner la cérémonie de l’inauguration de notre sainte Ursule, nous donnons en notre château un repas de cinquante couverts où nous avons eu la malice de convier, avec les notables habitants du pays, tous les fonctionnaires inamovibles ou amovibles, indistinctement. Vu notre candidature déclarée nous sommes bien assurés d’avance que cette dernière classe de convives ne répondra pas à notre appel. Tant mieux, vraiment ! il y aura d’autant de place pour d’autres, et les défaillants dont les noms seront tous connus demain seront constitués dans un flagrant délit de servilisme et de dépendance qui portera, nous l’espérons bien, un terrible coup à leur influence sur la population.

Hier, madame, nous sommes allés dans notre calèche au château de Cinq-Cygne, où Darthez nous a d’abord présentés à la princesse de Cadignan. Cette femme est vraiment merveilleuse de conservation, et il semble qu’elle soit embaumée par le bonheur de sa liaison avec le grand écrivain. (Voir les Secrets de la princesse de Cadignan.) « C’est le plus joli bonheur que j’aie jamais vu, » disiez-vous, madame, en parlant de monsieur et madame de Portenduère ; ce mot il faut le répéter à l’adresse de Darthez et de la princesse, en modifiant toutefois l’épithète de joli qui serait peut-être un peu jeune, appliquée à leur été de la Saint-Martin. Avec ce que j’ai su d’une scène qui eut lieu, il y a déjà longtemps, chez madame d’Espard à l’époque où commença cette liaison, j’étais bien sûr de ne pas trouver monsieur Maxime de Trailles très-bien installé à Cinq-Cygne ; car, dans la scène à laquelle je fais allusion, il s’était ef-