Page:Balzac-Le député d'Arcis-1859.djvu/290

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dites que vous ne demanderez rien pour vos électeurs ; alors à quoi que vous nous servirez ?

— Je n’ai pas dit, mon ami, que je ne demanderais rien pour mes commettants ; j’ai dit que je ne demanderais rien qui ne fût juste ; mais cela, je puis ajouter que je le demanderai avec énergie et avec persévérance, car c’est ainsi que la justice doit toujours être servie.

— Avec ça, reprend l’électeur, qu’il y a aussi d’autres manières pour la servir, à preuve le procès qui m’ont fait perdre contre Jean Remy, duquel j’étais en difficulté pour un bornage…

Le colonel Giguet, interrompant :

— Voyons, vous n’allez pas, je pense, nous raconter votre procès et nous parler d’une manière inconvenante sur le compte des magistrats.

L’électeur reprenant :

— Les magistrats, mon colonel, je les respecte, duquel j’ai été pendant six semaines membre de la municipalité en 93 et connais la loi ; mais, revenant à mon affaire, je demande à monsieur, qui est là pour me répondre, à moi comme aux autres, son opinion sur les bureaux de tabac.

— Mon opinion sur les bureaux de tabac ! cela me semble assez difficile à formuler ; je pourrai pourtant vous dire que si certains renseignements sont exacts, ils ne me paraissent pas toujours parfaitement bien distribués.

— Eh bien ! vous êtes un homme ! vous, s’écrie l’électeur, et je vous donne ma voix, parce qu’on ne vous en montrera pas, des couleurs. Si, on les donne à faux les bureaux ! Qu’y a la fille à Jean Remy, un mauvais voisin, qu’ça n’a jamais rien été qu’à sa charrue et qu’ça se bat au jour la Journée avec sa femme…

— Mais, mon cher, dit le président en interrompant, vous abusez étrangement de la patience de l’assemblée.

— Non ! non ! laissez parler ! s’écrie-t-on de tous les points de la salle. L’électeur amusait, et Sallenauve a l’air lui-même de faire entendre au colonel qu’il désire savoir où l’homme veut en venir.

L’électeur reprenant :