Page:Balzac-Le député d'Arcis-1859.djvu/349

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— Votre dernière lettre, ma chère, m’a tout simplement très-effrayée.

— Comment ! parce que, moi-même je vous disais que cet homme me faisait peur et que je m’ingénierais de quelque moyen de le tenir à distance ?

— Oui. Jusque-là j’avais douté de ce que je devais vous conseiller ; mais à ce moment je commençai tellement à m’inquiéter pour vous, que nonobstant toutes les objections de monsieur de Camps contre mon voyage, je voulus partir, et me voilà.

— Mais véritablement, j’en suis à comprendre…

— Voyons, si monsieur de Camps, si monsieur Marie-Gaston, si même monsieur de Rastignac, malgré l’enivrement où ses visites jettent monsieur de l’Estorade, menaçaient de prendre ici des habitudes, en seriez-vous tourmentée à ce point.

— Non, sans doute ; mais parce qu’aucun de ces gens n’auraient barre sur moi à la manière de celui que je crains.

— Croyez-vous, dites-moi, que monsieur de Sallenauve vous aime ?

— Non ; je crois maintenant être bien sûre du contraire : mais je crois aussi que, de mon côté…

— Nous traiterons cette question tout à l’heure ; maintenant, je vous demande si vous avez le désir que monsieur de Sallenauve prenne de l’amour pour vous.

— Dieu m’en préserve !

— Eh bien ! une manière charmante de le mettre sur vos talons, c’est de blesser son amour-propre, c’est de vous montrer avec lui injuste et ingrate, c’est de le forcer en un mot de beaucoup penser à vous.

— Mais n’est-ce pas là, ma chère, de l’observation bien cherchée ?

— Comment, chère belle, n’avez-vous pas fait la remarque que les hommes, pour peu qu’ils aient une certaine délicatesse d’impression, se prennent bien mieux par nos