Page:Balzac-Le député d'Arcis-1859.djvu/350

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duretés que par nos caresses ; que par nos rigueurs nous nous installons plus solidement dans leur attention, et qu’ils ressemblent beaucoup à ces petits chiens de salon, qui n’ont jamais tant envie de mordre que lorsqu’on leur retire vivement la main ?

— À ce compte, tous les gens que l’on dédaigne, auxquels on ne pense pas même à donner un coup d’œil, deviendraient autant de soupirants ?

— Ah ! chère, ne me faites pas dire des niaiseries : il va de soi que, pour prendre feu, il faut avoir une certaine disposition à la combustibilité ; que, pour porter ainsi à la tête d’un homme, au préalable, entre nous et lui, doit exister un commencement de quelque chose ; mais il me semble qu’entre vous et monsieur de Sallenauve, il y a déjà pas mal d’introduction. S’il ne vous aime pas, vous, il aime votre forme, et, comme vous le disiez un jour spirituellement, qui vous assure que l’autre personne étant bien définitivement perdue pour lui, il ne viendra pas à ricocher de votre côté ?

— Au contraire, il a plus que jamais l’espérance de retrouver cette personne, avec le concours d’une très-habile quêteuse qui s’occupe à sa recherche.

— Très-bien ; mais s’il ne la retrouve pas, ou s’il ne la retrouve que dans un bien long temps, faut-il employer ce délai à vous l’attirer sur les bras ?

— Ma chère moraliste, je n’admets pas du tout votre théorie, au moins pour ce qui regarde monsieur de Sallenauve ; il va être très-occupé, la Chambre le passionnera bien plus que ma personne ; c’est un homme, d’ailleurs, plein d’amour-propre, qui sera révolté de ma méchante allure, laquelle lui paraîtra souverainement injuste et ingrate ; et si, entre lui et moi, je veux mettre deux pieds de distance, il en mettra quatre ; vous pouvez y compter.

— Et vous, ma chère ? demanda madame Octave de Camps.

— Comment ! moi ?

— Oui, vous qui n’êtes pas occupée, vous qui n’avez pas