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d’Arcis : le sous-préfet, le procureur du roi, son substitut, et monsieur Martener le juge d’instruction. Le président du tribunal est, comme on le sait déjà, partisan de la branche aînée et le dévoué serviteur de la maison de Cinq-Cygne.

— Non, je ne conçois pas le gouvernement, répéta le sous-préfet en montrant les groupes qui épaississaient. En de si graves conjonctures, on me laisse sans instructions !…

— Vous ressemblez en ceci à beaucoup de monde ! répondit Olivier Vinet en souriant.

— Qu’avez-vous à reprocher au gouvernement ? demanda le procureur du roi.

— Le ministère est fort embarrassé, reprit le jeune Martener ; il sait que cet arrondissement appartient en quelque sorte aux Keller, et il se gardera bien de les contrarier. On a des ménagements à garder avec le seul homme comparable à monsieur de Talleyrand. Ce n’est pas au préfet que vous deviez envoyer le commissaire de police, mais au comte de Gondreville.

— En attendant, dit Frédéric Marest, l’opposition se remue, et vous voyez quelle est l’influence du colonel Giguet. Notre maire, monsieur Beauvisage, préside cette réunion préparatoire.

— Après tout, dit sournoisement Olivier Vinet au sous-préfet, Simon Giguet est votre ami, votre camarade de collége ; il sera du parti de monsieur Thiers, et vous ne risquez rien à favoriser sa nomination.

— Avant de tomber, le ministère actuel peut me destituer. Si nous savons quand on nous destitue, nous ne savons jamais quand on nous renomme, dit Antonin Goulard.

— Collinet, l’épicier !… voilà le soixante-septième électeur entré chez le colonel Giguet, dit monsieur Martener qui faisait son métier de juge d’instruction en comptant les électeurs.

— Si Charles Keller est le candidat du ministère, reprit Antonin Goulard, on aurait dû me le dire, et ne pas donner le temps à Simon Giguet de s’emparer des esprits !

Ces quatre personnages arrivèrent en marchant lentement