Page:Balzac-Le député d'Arcis-1859.djvu/91

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pas mon mari dans la ville d’Arcis… Si j’avais eu la fortune qu’elle aura, j’aurais très-bien accordé ma main à un comte, à un homme qui m’aurait mise dans une haute position sociale, et je n’aurais pas demandé à voir son extrait de naissance.

— Il vous eût suffi de le voir à sa toilette, dit tout bas Vinet à madame Mollot.

— Mais le roi fait des comtes, madame ! vint dire madame Marion qui depuis un moment surveillait le cercle des jeunes filles.

— Ah ! madame, répliqua Vinet, il y a des jeunes filles qui aiment les comtes faits…

— Eh bien ! monsieur Antonin, dit alors Cécile en riant du sarcasme d’Olivier Vinet, nos dix minutes sont passées, et nous ne savons pas si l’inconnu est comte.

— Le gouvernement doit être infaillible ! dit Olivier Vinet en regardant Antonin.

— Je vais tenir ma promesse, répliqua le sous-préfet en voyant apparaître à la porte du salon la tête de son domestique.

Et il quitta de nouveau sa place près de Cécile.

— Vous parlez de l’étranger, dit madame Marion. Sait-on quelque chose sur lui ?

— Non, madame, répondit Achille Pigoult ; mais il est, sans le savoir, comme un athlète dans un cirque, le centre des regards de deux mille habitants. Moi, je sais quelque chose, ajouta le petit notaire.

— Ah ! dites, monsieur Achille ? demanda vivement Ernestine.

— Son domestique s’appelle Paradis !…

— Paradis, s’écria mademoiselle Herbelot.

— Paradis ! ripostèrent toutes les personnes qui formaient le cercle.

— Peut-on s’appeler Paradis ? demanda madame Herbelot en venant prendre place à côté de sa belle-sœur.

— Cela tend, reprit le petit notaire, à prouver que son maître est un ange, car lorsque son domestique le suit… vous comprenez…

— C’est le chemin du Paradis ! Il est très-joli, celui-là,