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Page:Balzac- Traité de la vie élégante - 1922.djvu/143

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je venais goûter toutes les joies de la peur, en le contemplant au bord, et m’y tenant ferme à quelques idées bien plantées, bien feuillues. Alors, je commençai des travaux immenses et qui eussent, selon l’expression de mon élégant ami Eugène Sue, décorné un bœuf moins habitué que je ne le suis à marcher dans mes sillons, nuit et jour, par tous les temps, nonchalant de la bise qui souffle, des coups, et du fourrage injurieux que le journalisme nous distribue.

Comme tous ces pauvres prédestinés de savants, j’ai compté des joies pures. Parmi ces fleurs d’étude, la première, la plus belle, parce qu’elle était la première, et la plus trompeuse, parce qu’elle était la plus belle, a été d’apprendre, par M. Savary de l’Observatoire, que déjà l’Italien Borelli avait fait un grand ouvrage De actu animalium (du mouvement des animaux).

Combien je fus heureux de trouver un Borelli sur le quai ! combien peu me pesa l’in-quarto à rapporter sous le bras ! en quelle ferveur je l’ouvris ; en quelle hâte je le traduisis ! Je ne saurais vous dire ces choses. Il y avait de l’amour dans cette étude. Borelli était pour moi ce que Baruch fut pour La Fontaine. Comme un jeune homme dupe de son premier amour, je ne sentais de Borelli ni la poussière accumulée dans ses