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DE LA DÉMARCHE

dans le premier acte du Mosè, ma théorie m’apparut pimpante, joyeuse, frétillante, jolie, et vint se coucher complaisamment à mes pieds, comme une courtisane fâchée d’avoir abusé de la coquetterie et qui craint d’avoir tué l’amour.

Je résolus de constater simplement les effets produits en dehors de l’homme par ses mouvements, de quelque nature qu’ils fussent, de les noter, de les classer ; puis, l’analyse achevée, de rechercher les lois du beau idéal en fait de mouvement, et d’en rédiger un code pour les personnes curieuses de donner une bonne idée d’elles-mêmes, de leurs mœurs, de leurs habitudes : la démarche étant, selon moi, le prodrome exact de la pensée et de la vie.

J’allai donc le lendemain m’asseoir sur une chaise du boulevard de Gand, afin d’y étudier la démarche de tous les Parisiens qui, pour leur malheur, passeraient devant moi pendant la journée.

Et, ce jour-là, je récoltai les observations les plus profondément curieuses que j’aie faites dans ma vie. Je revins chargé comme un botaniste qui, en herborisant, a pris tant de plantes, qu’il est obligé de les donner à la première vache venue. Seulement, la Théorie de la démarche me parut impossible à publier sans dix-sept cents planches gravées, sans dix ou douze volumes de