Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/11

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C’est effrayant, c’est la vie ou la mort, dans un clin d’œil. Le gaillard a d’autres lettres entre les mains ! ai-je pensé. Puis les mille autres détails de l’affaire m’ont préoccupé. J’ai négligé cet incident, car je croyais avoir à confronter mes prévenus et pouvoir éclaircir plus tard ce point de l’instruction. Mais regardons comme certain que Jacques Collin a mis en lieu sûr, selon l’habitude de ces misérables, les lettres les plus compromettantes de la correspondance du beau jeune homme adoré de tant de…

— Et tu trembles, Camusot ! Tu seras président de chambre à la cour royale, bien plus tôt que je ne le croyais !… s’écria madame Camusot, dont la figure rayonna. Voyons ! il faut te conduire de manière à contenter tout le monde, car l’affaire devient si grave qu’elle pourrait bien nous être volée !… N’a-t-on pas ôté des mains de Popinot, pour te la confier, la procédure dans le procès en interdiction intenté par madame à monsieur d’Espard ? dit-elle pour répondre à un geste d’étonnement que fit Camusot. Eh bien ! le procureur général qui prend un air si vif à l’honneur de monsieur et de madame de Sérizy, ne peut-il pas évoquer l’affaire à la cour royale, et faire commettre un conseiller à lui pour l’instruire à nouveau ?…

— Ah ! çà, ma chère, où donc as-tu fait ton droit criminel ? s’écria Camusot. Tu sais tout, tu es mon maître…

— Comment, tu crois que demain matin monsieur de Grandville ne sera pas effrayé de la plaidoirie probable d’un avocat libéral que ce Jacques Collin saura bien trouver ; car on viendra lui proposer de l’argent pour être son défenseur !… Ces dames connaissent leur danger aussi bien, pour ne pas dire mieux, que tu ne le connais ; elles en instruiront le procureur général, qui, déjà, voit ces familles traînées bien près du banc des accusés, par suite du mariage de ce forçat avec Lucien de Rubempré, fiancé de mademoiselle de Grandlieu, Lucien, amant d’Esther, ancien amant de la duchesse de Maufrigneuse, le chéri de madame de Sérizy. Tu dois donc manœuvrer de manière à te concilier l’affection de ton procureur général, la reconnaissance de M. de Sérizy, celle de la marquise d’Espard, de la comtesse Châtelet, à corroborer la protection de madame de Maufrigneuse par celle de la maison de Grandlieu, et à te faire adresser des compliments par ton président. Moi, je me charge de mesdames d’Espard, de Maufrigneuse et de Grandlieu. Toi, tu dois aller demain matin chez le procu-