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Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/12

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reur général. Monsieur de Grandville est un homme qui ne vit pas avec sa femme, il a eu pour maîtresse, pendant une dizaine d’années, une mademoiselle de Bellefeuille, qui lui a donné des enfants adultérins, n’est-ce pas ? Eh bien ! ce magistrat-là n’est pas un saint, c’est un homme tout comme un autre ; on peut le séduire, il donne prise sur lui par quelque endroit, il faut découvrir son faible, le flatter ; demande-lui des conseils, fais-lui voir le danger de l’affaire ; enfin, tâchez de vous compromettre de compagnie, et tu seras…

— Non, je devrais baiser la marque de tes pas, dit Camusot en interrompant sa femme, la prenant par la taille et la serrant sur son cœur. Amélie ! tu me sauves !

— C’est moi qui t’ai remorqué d’Alençon à Mantes, et de Mantes au tribunal de la Seine, répondit Amélie. Eh bien ! sois tranquille !… je veux qu’on m’appelle madame la présidente dans cinq ans d’ici ; mais, mon chat, pense donc toujours pendant longtemps avant de prendre des résolutions. Le métier de juge n’est pas celui d’un sapeur-pompier, le feu n’est jamais à vos papiers, vous avez le temps de réfléchir ; aussi, dans vos places, les sottises sont-elles inexcusables…

— La force de ma position est tout entière dans l’identité du faux prêtre espagnol avec Jacques Collin, reprit le juge après une longue pause. Une fois cette identité bien établie, quand même la cour s’attribuerait la connaissance de ce procès, ce sera toujours un fait acquis dont ne pourra se débarrasser aucun magistrat, juge ou conseiller. J’aurai imité les enfants qui attachent une ferraille à la queue d’un chat ; la procédure, n’importe où elle s’instruise, fera toujours sonner les fers de Jacques Collin.

— Bravo ! dit Amélie.

— Et le procureur général aimera mieux s’entendre avec moi, qui pourrais seul enlever cette épée de Damoclès suspendue sur le cœur du faubourg Saint-Germain, qu’avec tout autre !… Mais tu ne sais pas combien il est difficile d’obtenir ce magnifique résultat ?… Le procureur général et moi, tout à l’heure, dans son cabinet, nous sommes convenus d’accepter Jacques Collin pour ce qu’il se donne, pour un chanoine du chapitre de Tolède, pour Carlos Herrera ; nous sommes convenus d’admettre sa qualité d’envoyé diplomatique, et de le laisser réclamer par l’ambassade d’Espagne. C’est par suite de ce plan que j’ai fait le rapport qui met en