Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/195

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fille soit guérie, que son petit-fils réussisse, et qu’il devienne un jour magistrat… Eh ! bien, s’il a de l’honneur, il se souviendra de la dette, et il nous rendra l’argent des pauvres avec usure. Savez-vous que plus d’une famille, tirée de la misère et mise par nous sur le chemin de la fortune par des prêts sans intérêts, a fait la part des pauvres, et nous a rendu les sommes doublées et quelquefois triplées ?… Voilà nos seules spéculations ! D’abord, songez, quant à ce qui vous préoccupe (et vous devez vous en préoccuper), que la vente de l’ouvrage de ce magistrat dépend de la bonté de cette œuvre, l’avez-vous lue ? Puis, si le livre est excellent, combien d’excellents livres sont restés un, deux ou trois ans sans avoir le succès qu’ils méritent ! Combien de couronnes mises sur des tombeaux ! Et je sais que les libraires ont des façons de traiter, de réaliser, qui font de leur commerce le plus chanceux et le plus difficile à débrouiller de tous les commerces parisiens. Monsieur Nicolas vous parlera de ces difficultés, inhérentes à la nature des livres. Ainsi, vous le voyez, nous sommes raisonnables, nous avons l’expérience de toutes les misères, comme celle de tous les commerces, car nous étudions Paris depuis longtemps… Les Mongenod nous aident ; nous avons en eux des flambeaux ; et c’est par eux que nous savons que la Banque de France a le commerce de la librairie en suspicion constante, quoique ce soit un des plus beaux commerces, mais il est mal fait… Quant aux quatre mille francs nécessaires pour sauver cette noble famille des horreurs de l’indigence, car il faut que ce pauvre enfant et son grand-père se nourrissent et puissent s’habiller convenablement, je vais vous les donner… Il est des souffrances, des misères, des plaies que nous pansons immédiatement, sans hésitation, sans chercher à savoir qui nous secourons : religion, honneur, caractère, tout est indifférent ; mais dès qu’il s’agit de prêter l’argent des pauvres pour aider le malheur sous la forme agissante de l’industrie, du commerce… Oh ! alors nous cherchons des garanties, avec la rigidité des usuriers. Aussi, pour le surplus, bornez votre enthousiasme à trouver à ce vieillard le plus honnête libraire possible. Ceci regarde monsieur Nicolas. Il connaît des avocats, des professeurs, auteurs de livres sur la jurisprudence ; et, dimanche prochain, il aura bien certainement un bon conseil à vous donner. Soyez tranquille, si c’est possible, cette difficulté sera résolue. Cependant, peut-être serait-il bon que monsieur Nicolas lût