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Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/232

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environ, une église de France, c’est-à-dire une maison mal entretenue, ornée d’un clocher de bois soutenant un toit de tuiles cassées. On y distingue une maison bourgeoise et un presbytère. La commune est d’ailleurs assez vaste, elle se compose de deux cents autres feux épars auxquels cette bourgade sert de chef-lieu. Cette commune est, çà et là, coupée en petits jardins, les chemins sont marqués par des arbres à fruits. Les jardins, en vrais jardins de paysan, ont de tout : des fleurs, des ognons, des choux et des treilles, des groseilliers et beaucoup de fumier. Le village paraît naïf, il est rustique, il a cette simplicité parée que cherchent tant les peintres. Enfin, dans le lointain, on aperçoit la petite ville de Soulanges posée au bord d’un vaste étang comme une fabrique du lac de Thoune.

Quand vous vous promenez dans ce parc, qui a quatre portes, chacune d’un superbe style, l’Arcadie mythologique devient pour vous plate comme la Beauce. L’Arcadie est en Bourgogne et non en Grèce, l’Arcadie est aux Aigues et non ailleurs. Une rivière, faite à coups de ruisseaux, traverse le parc dans sa partie basse par un mouvement serpentin, et y imprime une tranquillité fraîche, un air de solitude qui rappelle d’autant mieux les Chartreuses que, dans une île factice il se trouve une Chartreuse sérieusement ruinée et d’une élégance intérieure digne du voluptueux financier qui l’ordonna. Les Aigues ont appartenu, mon cher, à ce Bouret qui dépensa deux millions pour recevoir une fois Louis XV. Combien de passions fougueuses, d’esprits distingués, d’heureuses circonstances n’a-t-il pas fallu pour créer ce beau lieu ? Une maîtresse d’Henri IV a rebâti le château là où il est, et y a joint la forêt. La favorite du Grand-Dauphin, mademoiselle Choin, à qui les Aigues furent donnés, les a augmentés de quelques fermes. Bouret a mis dans le château toutes les recherches des petites maisons de Paris pour une des célébrités de l’Opéra. Les Aigues doivent à Bouret la restauration du rez-de-chaussée dans le style Louis XV.

Je suis resté stupéfait en admirant la salle à manger. Les yeux sont d’abord attirés par un plafond peint à fresque dans le goût italien, et où volent les plus folles arabesques. Des femmes en stuc finissant en feuillages soutiennent, de distance en distance, des paniers de fruits sur lesquels portent les rinceaux du plafond. Dans les panneaux qui séparent chaque femme, d’admirables