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Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/318

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occupé de sa fortune. Présenter le troisième terme de ce problème, ce serait offrir à l’admiration publique un personnage invraisemblable que la vieille noblesse a néanmoins connu (Voir le Cabinet des Antiques. Scènes de la Vie de Province ). mais qui disparut avec elle. Par la division perpétuelle des fortunes, les mœurs aristocratiques seront inévitablement modifiées. S’il n’y a pas actuellement en France vingt fortunes gérées par des intendants, il n’existera pas dans cinquante ans cent grandes propriétés à régisseurs, à moins de changements dans la loi civile. Chaque riche propriétaire devra veiller par lui-même à ses intérêts.

Cette transformation déjà commencée a suggéré cette réponse dite par une spirituelle vieille femme à qui l’on demandait pourquoi, depuis 1830, elle restait à Paris, pendant l’été : — " Je ne vais plus dans les châteaux depuis qu’on en a fait des fermes. " Mais qu’arrivera-t-il de ce débat de plus en plus ardent, d’homme à homme, entre le riche et le pauvre ? Cette Etude n’est écrite que pour éclairer cette terrible question sociale.

On peut comprendre les étranges perplexités auxquelles le général fut en proie après avoir congédié Gaubertin. Si, comme toutes les personnes libres de faire ou de ne pas faire, il s’était dit vaguement : — " Je chasserai ce drôle-là ! " il avait négligé le hasard, oubliant les éclats de sa bouillante colère, la colère du sabreur sanguin, au moment où quelque méfait relèverait les paupières à sa cécité volontaire.

Propriétaire pour la première fois, Montcornet, enfant de Paris, ne s’était pas muni d’un régisseur à l’avance ; et, après avoir étudié le pays, il sentait combien un intermédiaire devenait indispensable à un homme comme lui, pour traiter avec tant de gens et de si bas étage.

Gaubertin, à qui les vivacités d’une scène qui dura deux heures avaient révélé l’embarras où le général allait se trouver, enfourcha son bidet en quittant le salon où la dispute avait eu lieu, galopa jusqu’à Soulanges et y consulta les Soudry.

Sur ce mot : — " Nous nous quittons, le général et moi, qui pouvons-nous lui présenter pour régisseur, sans qu’il s’en doute ? " les Soudry comprirent la pensée de leur ami. N’oubliez pas que le brigadier Soudry, chef de la police depuis dix-sept ans dans le canton, est doublé par sa femme de la ruse particulière aux soubrettes des filles d’opéra.