Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/319

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— Il ferait bien du chemin, dit madame Soudry, avant de trouver quelqu’un qui valût notre pauvre petit Sibilet.

— Il est cuit ! s’écria Gaubertin encore rouge de ses humiliations. Lupin, dit-il au notaire qui assistait à cette conférence allez donc à La-Ville-aux-Fayes y seriner Maréchal, en cas que notre beau cuirassier lui demande des renseignements.

Maréchal était cet avoué que son ancien patron, chargé à Paris des affaires du général, avait naturellement recommandé comme conseil à monsieur de Montcornet, après l’heureuse acquisition des Aigues.

Ce Sibilet, fils aîné du Greffier du Tribunal de La-Ville-aux-Fayes, clerc de notaire, sans sou ni maille, âgé de vingt-cinq ans, s’était épris de la fille du juge de paix de Soulanges à en perdre la raison.

Ce digne magistrat à quinze cents francs d’appointements, nommé Sarcus, avait épousé une fille sans fortune, la sœur aînée de monsieur Vermut, l’apothicaire de Soulanges. Quoique fille unique, mademoiselle Sarcus, riche de sa beauté pour toute fortune, devait mourir et non vivre des appointements qu’on donne à un clerc de notaire en province. Le jeune Sibilet, parent de Gaubertin par une alliance assez difficile à reconnaître dans les croisements de famille qui rendent cousins presque tous les bourgeois des petites villes, dut aux soins de son père et de Gaubertin, une maigre place au Cadastre. Le malheureux eut l’affreux bonheur de se voir père de deux enfants en trois ans. Le greffier chargé, lui, de cinq autres enfants, ne pouvait venir au secours de son fils aîné. Le juge-de-paix ne possédait que sa maison à Soulanges et cent écus de rentes. La plupart du temps, madame Sibilet la jeune restait donc chez son père, et y vivait avec ses deux enfants. Adolphe Sibilet, obligé de courir à travers le département, venait voir son Adeline de temps en temps. Peut-être le mariage ainsi compris explique-t-il la fécondité des femmes.

L’exclamation de Gaubertin, quoique facile à comprendre par ce sommaire de l’existence des jeunes Sibilet, exige encore quelques détails.

Adolphe Sibilet, souverainement disgracieux, comme on a pu le voir d’après son esquisse, appartenait à ce genre d’hommes qui ne peuvent arriver au cœur d’une femme que par le chemin de la mairie et de l’autel. Doué d’une souplesse comparable à celle des ressorts, il cédait, sauf à reprendre sa pensée. Cette disposition