Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/324

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des cuirassiers son gendre Sibilet, accompagné d’Adeline et de ses deux enfants, venus tous dans une carriole d’osier prêtée par le greffier de la justice-de-paix, un monsieur Gourdon, frère du médecin de Soulanges, et plus riche que le magistrat. Ce spectacle, si contraire à la dignité de la magistrature, se voit dans toutes les justices-de-paix, dans tous les tribunaux de Première Instance, où la fortune du greffier éclipse celle du président ; tandis qu’il serait si naturel d’appointer les greffiers et de diminuer d’autant les frais de procédure.

Satisfait de la candeur et du caractère du digne magistrat, de la grâce et des dehors d’Adeline, qui furent l’un et l’autre de bonne foi dans leurs promesses, car le père et la fille ignorèrent toujours le caractère diplomatique imposé par Gaubertin à Sibilet, le comte accorda tout d’abord à ce jeune et touchant ménage des conditions qui rendirent la situation du régisseur égale à celle d’un Sous-préfet de première classe.

Un pavillon bâti par Bouret, pour faire point de vue et pour loger le régisseur, construction élégante que Gaubertin habitait, et dont l’architecture est suffisamment indiquée par la description de la porte de Blangy, fut maintenu aux Sibilet pour leur demeure. Le général ne supprima point le cheval que mademoiselle Laguerre accordait à Gaubertin, à cause de l’étendue de sa propriété, de l’éloignement des marchés où se concluaient les affaires, et de la surveillance. Il alloua vingt-cinq septiers de blé, trois tonneaux de vin, le bois à discrétion, de l’avoine et du foin en abondance, et enfin trois pour cent sur la recette. Là où mademoiselle Laguerre devait toucher plus de quarante mille livres de rentes, en 1800, le général voulait avec raison en avoir soixante mille en 1818, après les nombreuses et importantes acquisitions faites par elle. Le nouveau régisseur pouvait donc se faire un jour près de deux mille francs en argent. Logé, nourri, chauffé, quitte d’impôts, son cheval et sa basse-cour défrayés, le comte lui permettait encore de cultiver un potager, promettant de ne pas le chicaner sur quelques journées de jardinier. Certes, de tels avantages représentaient plus de deux mille francs. Aussi, pour un homme qui gagnait douze cents francs au Cadastre, avoir les Aigues à régir, était-ce passer de la misère à l’opulence.

— Dévouez-vous à mes intérêts, dit le général, et ce ne sera pas mon dernier mot. D’abord, je pourrai vous obtenir la perception de Couches,