Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/325

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de Blangy, de Cerneux en les faisant distraire de la perception de Soulanges. Enfin, quand vous m’aurez porté mes revenus à soixante mille francs net, vous serez encore récompensé.

Malheureusement, le digne juge-de-paix et Adeline, dans l’épanouissement de leur joie, eurent l’imprudence de confier à madame Soudry la promesse du comte relative à cette perception, sans songer que le percepteur de Soulanges était un nommé Guerbet, frère du maître-de-poste de Couches et allié, comme on le verra plus tard, aux Gaubertin et aux Gendrin.

— Ce ne sera pas facile, ma petite, dit madame Soudry ; mais n’empêche pas monsieur le comte de faire des démarches, on ne sait pas comment les choses difficiles réussissent facilement à Paris. J’ai vu le chevalier Gluck aux pieds de défunt Madame, et elle a chanté son rôle, elle qui se serait fait hacher pour Piccini, l’un des hommes les plus aimables de ce temps-là. Jamais ce cher monsieur n’entrait chez Madame sans me prendre par la taille en m’appelant sa belle friponne.

— Ah ! çà, croit-il, s’écria le brigadier, quand sa femme lui dit cette nouvelle, qu’il va mener notre pays, y tout déranger à sa façon, et qu’il fera faire des à-droite et des à-gauche aux gens de la vallée, comme aux cuirassiers de son régiment ? Ces officiers ont des habitudes de domination… Mais patience ! nous avons messieurs de Soulanges et de Ronquerolles pour nous. Pauvre père Guerbet ! il ne se doute guère qu’on veut lui voler les plus belles roses de son rosier !…

Cette phrase du genre Dorat, la Cochet la tenait de Mademoiselle qui la tenait de Bouret, qui la tenait de quelque rédacteur du Mercure, et Soudry la répétait tant, qu’elle est devenue proverbiale à Soulanges.

Le père Guerbet, le percepteur de Soulanges, était l’homme d’esprit, c’est-à-dire le loustic de la petite ville et l’un des héros du salon de madame Soudry. Cette sortie du brigadier peint parfaitement l’opinion qui se forma sur le bourgeois des Aigues, depuis Couches jusqu’à La-Ville-aux-Fayes, où partout elle fut profondément envenimée par les soins de Gaubertin.

L’installation de Sibilet eut lieu vers la fin de l’automne de 1817. L’année 1818 se passa sans que le général mît le pied aux Aigues, car les soins de son mariage avec mademoiselle de Troisville, conclu