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Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/408

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— Le Gringalet, reprit Fourchon en désignant l’abbé Brossette par le surnom qu’il devait à son air piètre, succomberait peut-être à quelque matoise, puisqu’il observe tous les carêmes. Et, en le tambourinant par un bon charivari s’il était pris en riolle, son évêque serait forcé de l’envoyer ailleurs. Voilà qui plairait diablement à ce brave père Rigou… Si la fille à Courtecuisse voulait quitter sa bourgeoise d’Auxerre, elle est si jolie qu’en faisant la dévote et cocotant le confessionnal, elle sauverait la patrie. Et Ran ! tan-plan !

— Et pourquoi ne serait-ce pas toi, dit Godain tout bas à Catherine, il y aurait une pannerée d’écus à vendanger pour éviter le tapage, et du coup, tu serais la maîtresse ici…

— Glanerons-nous, ne glanerons-nous pas ? .., dit Bonnébault. Je me soucie bien de votre abbé, moi, je suis de Couches, et nous n’y avons pas de curé qui nous trifouille la conscience avec sa grelote.

— Tenez, reprit Vaudoyer, il faut aller savoir du bonhomme Rigou qui connaît les lois, si le Tapissier peut nous interdire le glanage, et il nous dira si nous avons raison. Si le Tapissier est dans son droit, nous verrons alors, comme dit l’ancien, à prendre les choses en biais…

— Il y aura du sang répandu !… dit Nicolas d’un air sombre en se levant après avoir bu tout une bouteille de vin que Catherine lui avait entonnée afin de l’empêcher de parler. Si vous voulez m’écouter, on descendra Michaud ! Mais vous êtes des veules et des drogues !…

— Pas moi ! dit Bonnébault, si vous êtes des amis à taire vos becs, je me charge d’ajuster le Tapissier, moi !… Qué plaisir de loger un pruneau dans son bocal, ça me vengerait de tous mes puants d’officiers !…

— Là, là, s’écria Jean-Louis Tonsard qui passait pour être un peu fils de Gaubertin et qui venait d’entrer à la suite de Fourchon.

Ce garçon, qui courtisait depuis quelques mois la jolie servante de Rigou, succédait à son père dans l’état de tondeur de haies, de charmilles, et autres facultés tonsardes. En allant dans les maisons bourgeoises, il y causait avec les maîtres et les gens, il récoltait ainsi des idées qui faisaient de lui l’homme à moyens de la famille, le finaud. En effet, on verra tout à l’heure qu’en s’adressant à la servante de Rigou, Jean-Louis justifiait la bonne opinion qu’on avait de sa finesse.

— Eh ! bien, qu’as-tu, prophète ? dit le cabaretier à son fils.