Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/423

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Rigou se superposait à Tonsard. L’un vivait de vols en nature, l’autre s’engraissait de rapines légales. Tous deux aimaient à bien vivre, c’était la même nature sous deux espèces, l’une naturelle, l’autre aiguisée par l’éducation du cloître.

Lorsque Vaudoyer quitta le cabaret du Grand-I-Vert pour consulter l’ancien maire, il était environ quatre heures. A cette heure, Rigou dînait.

En trouvant la porte bâtarde fermée, Vaudoyer regarda pardessus les rideaux en criant : — Monsieur Rigou, c’est moi, Vaudoyer….

Jean sortit par la porte cochère et fit entrer Vaudoyer un instant après, en lui disant : — Viens au jardin, monsieur a du monde.

Ce monde était Sibilet, qui, sous prétexte de s’entendre relativement à la signification du jugement que venait de faire Brunet, s’entretenait avec Rigou de tout autre chose. Il avait trouvé l’usurier achevant son dessert.

Sur une table carrée, éblouissante de linge, car, peu soucieux de la peine de sa femme et d’Annette, Rigou voulait du linge blanc tous les jours, le régisseur vit apporter une jatte de fraises, des abricots, des pêches, des cerises, des amandes, tous les fruits de la saison à profusion, servis dans des assiettes de porcelaine blanche, et sur des feuilles de vigne, presqu’aussi coquettement qu’aux Aigues.

En voyant Sibilet, Rigou lui dit de pousser les verroux aux portes battantes intérieures qui se trouvaient adaptées à chaque porte, autant pour garantir du froid que pour étouffer les sons, et il lui demanda quelle affaire si pressante l’obligeait à venir le voir en plein jour, tandis qu’il pouvait conférer si sûrement la nuit.

— C’est que le Tapissier a parlé d’aller à Paris y voir le garde-des-sceaux, il est capable de vous faire bien du mal, de demander le déplacement de votre gendre, des juges de La-Ville-aux-Fayes, et du président surtout, quand il lira le jugement qu’on vient de rendre en votre faveur. Il se cabre, il est fin, il a dans l’abbé Brossette un conseil capable de jouter avec vous et avec Gaubertin. Les prêtres sont puissants. Monseigneur l’évêque aime bien l’abbé Brossette. Madame la comtesse a parlé d’aller voir son cousin le préfet, le comte de Castéran, à propos de Nicolas. Michaud commence à lire couramment dans notre jeu…