Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/458

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car, malgré sa popularité récente, il était toujours prudent, dit à son cheval : — " Allez, citoyen ! " Une plaisanterie que cet enfant de 1793 décochait toujours contre la révolution. Les révolutions populaires n’ont pas d’ennemis plus cruels que ceux qu’elles ont élevés.

— Il ne fait pas de longues visites, le père Rigou, dit Gourdon le greffier à madame Soudry.

— Il les fait bonnes, s’il les fait courtes, répondit-elle.

— Comme sa vie, répondit le médecin ; il abuse de tout, cet homme-là.

— Tant mieux, répliqua Soudry, mon fils jouira plutôt du bien…

— Il vous a donné des nouvelles des Aigues ? demanda le curé.

— Oui, mon cher abbé, dit madame Soudry. Ces gens-là sont le fléau de ce pays-ci. Je ne comprend pas que madame de Montcornet, qui cependant est une femme comme il faut, n’entende pas mieux ses intérêts.

— Ils ont cependant un modèle sous les yeux, répliqua le curé.

— Qui donc ? demanda madame Soudry en minaudant.

— Les Soulanges…

— Ah ! oui, répondit la reine après une pause.

— Tant pire ! me voilà ! cria madame Vermut en entrant, et sans mon réactif, car Vermut est trop inactif à mon égard, pour que je l’appelle un actif quelconque.

— Que diable fait donc ce sacré père Rigou, dit alors Soudry à Guerbet en voyant la carriole arrêtée à la porte de Tivoli. C’est un de ces chats-tigres dont tous les pas ont un but.

— Sacré lui va ! répondit le gros petit percepteur.

— Il entre au Café de la Paix !… dit Gourdon le médecin.

— Soyez paisibles, reprit Gourdon le greffier, il s’y donne des bénédictions à poings fermés, car on entend japper d’ici.

— Ce café-là, reprit le curé, c’est comme le temple de Janus ; il s’appelait le Café de la Guerre du temps de l’Empire, et on y vivait dans un calme parfait ; les plus honorables bourgeois s’y réunissaient pour causer amicalement…

— Il appelle cela causer ! dit le juge-de-paix. Tudieu ! quelles conversations que celles dont il reste des petits Bourniers.

— Mais depuis qu’en l’honneur des Bourbons, on l’a nommé le café de la Paix, on s’y bat tous les jours… dit l’abbé Taupin en achevant sa phrase que le juge-de-paix avait pris la liberté d’interrompre.