Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/486

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— Ah çà ! mais c’est donc la grêle que ce cuirassier ! cria Tonsard hors de lui.

— Je ne le sais que d’hier, répondit sa femme, que j’ai offert un petit verre à Groison pour en tirer quelque nouvelle.

— En voilà un d’heureux ! dit Vaudoyer, on lui a bâti une maison, on lui a donné une bonne femme, il a des rentes, il est mis comme un roi… Moi, j’ai été vingt ans garde-champêtre, je n’y ai gagné que des rhumes.

— Oui, il est heureux, dit Godain, et il a du bien…

— Nous restons là comme des imbéciles que nous sommes, s’écria Vaudoyer ; allons donc au moins voir comment ça se passe à Couches, ils ne sont pas plus endurants que nous autres.

— Allons, dit Laroche qui ne se tenait pas trop ferme sur ses jambes, si je n’en extermine pas un ou deux, je veux perdre mon nom.

— Toi, dit Tonsard, tu laisserais bien emmener toute la commune ; mais moi, si l’on touchait à la vieille, voilà mon fusil, il ne manquerait pas son coup.

— Eh bien ! dit Laroche à Vaudoyer, si l’on emmène un des Couches, il y aura un gendarme par terre.

— Il l’a dit ! le père Laroche, s’écria Courtecuisse.

— Il l’a dit, reprit Vaudoyer, mais il ne l’a pas fait, et il ne le fera pas… A quoi ça te servirait-il si tu veux te faire rosser ?… Tuer pour tuer, il vaut mieux tuer Michaud…

Pendant cette scène, Catherine Tonsard était en sentinelle à la porte du cabaret, afin d’être en mesure de prévenir les buveurs de se taire s’il passait quelqu’un. Malgré leurs jambes avinées, ils s’élancèrent plutôt qu’ils ne sortirent du cabaret, et leur ardeur belliqueuse les dirigea vers Couches en suivant la route qui, pendant un quart de lieue, longeait les murs des Aigues.

Couches était un vrai village de Bourgogne, à une seule rue, dans laquelle passait le grand chemin. Les maisons étaient construites les unes en briques, les autres en pisé ; mais elles étaient d’un aspect misérable. En y arrivant par la route départementale de La-Ville-aux-Fayes, on prenait le village à revers, et il faisait alors assez d’effet. Entre la grande route et les bois de Ronquerolles, qui continuaient ceux des Aigues et couronnaient les hauteurs, coulait une petite rivière, et plusieurs maisons assez bien groupées animaient le paysage. L’église et le presbytère formaient une fabrique