Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/485

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blanc sale qui sortaient par mèches de dessous un mouchoir rouge, partout où vous allez vous les trouvez, et ils vous arrêtent ; ils regardent votre fagot, et s’il y avait une seule branche coupée, une seule baguette de méchant coudrier, ils prendraient le fagot et vous feraient le verbal ; ils l’ont bien dit. Ah ! les gueux ! il n’y a pas à les attraper, et s’ils se défient de vous, ils vous ont bientôt fait délier votre bois… Ils sont là trois chiens qui ne valent pas deux liards ; on les tuerait, ça ne ruinerait pas la France, allez.

— Le petit Vatel n’est pas encore si méchant ! dit madame Tonsard la belle-fille.

— Lui ! dit Laroche, il fait sa besogne comme les autres ; histoire de rire, c’est bon, il rit avec vous ; vous n’en êtes pas mieux avec lui pour cela ; c’est le plus malicieux des trois, c’est un sans-cœur pour le pauvre peuple, comme monsieur Michaud.

— Il a une jolie femme tout de même, monsieur Michaud, dit Nicolas Tonsard…

— Elle est pleine, dit la vieille mère ; mais si ça continue, on fera un drôle de baptême à son petit quand elle vêlera.

— Oh ! tous ces Arminacs de Parisiens, dit Marie Tonsard, il est impossible de rire avec eux… et si cela arrivait, ils vous feraient un verbal sans plus se soucier de vous que s’ils n’avaient pas ri.

— Tu as donc essayé de les entortiller ? dit Courtecuisse.

— Pardi !

— Eh bien ! dit Tonsard d’un air déterminé, c’est des hommes comme les autres, on peut en venir à bout.

— Ma foi, non, reprit Marie en continuant sa pensée, ils ne rient point ; je ne sais pas ce qu’on leur donne, car après tout, le crâne du pavillon, il est marié ; mais Vatel, Gaillard et Steingel ne le sont pas, ils n’ont personne dans le pays, il n’y a pas une femme qui voudrait d’eux…

— Nous allons voir comment les choses vont se passer à la moisson et à la vendange, dit Tonsard.

— Ils n’empêcheront pas de glaner, dit la vieille.

— Mais je ne sais trop, répondit la bru Tonsard… leur Groison dit comme ça que monsieur le maire va publier un ban où il sera dit que personne ne pourra glaner sans un certificat d’indigence ; et qui est-ce qui le donnera ? Ce sera lui ! Il n’en donnera pas beaucoup. Il publiera aussi des défenses d’entrer dans les champs avant que la dernière gerbe ne soit dans la charrette !…