Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/512

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était dans de mortelles inquiétudes. Olympe avait eu de fausses douleurs, et ces douleurs se calmèrent aussitôt que son esprit se préoccupa des dangers que sa servante lui disait être imaginaires. Elle était dans sa chambre au coin de son feu, prêtant l’oreille à tout ; et dans sa terreur, qui s’accroissait de quart d’heure en quart d’heure, elle avait fait lever le domestique. La pauvre petite femme allait et venait dans une agitation fébrile ; elle regardait à ses croisées malgré le froid ; elle descendait, elle écoutait.

— Je ne sais pas ce que j’ai, disait-elle à sa servante et au domestique ; mais il me semble qu’il arrive malheur à mon mari.

A minuit un quart environ, elle s’écria :

— Le voici, j’entends son cheval !

Et elle descendit suivie du domestique, qui se mit en devoir d’ouvrir la grille.

— C’est singulier, dit-elle, il revient par les bois de Couches.

Puis elle resta comme frappée de terreur, immobile, sans voix. Le domestique partagea cette horreur, car il y avait dans le galop furieux du cheval et dans le claquement des étriers vides qui sonnaient, je ne sais quoi de désordonné, accompagné de ces hennissements significatifs que les chevaux poussent quand ils vont seuls ; sa respiration annonçait une course faite avec effroi. Bientôt, et trop tôt pour la malheureuse femme, le cheval arriva trempé de sueur à la grille, seul ; il avait cassé ses brides, dans lesquelles il s’était sans doute empêtré. Olympe regarda le domestique ouvrir la grille ; elle vit le cheval, et se mit à courir au château comme une folle ; elle y arriva ; elle tomba sous les fenêtres du général, en criant :

— Monsieur, ils l’ont assassiné….

Ce cri fut si terrible, qu’il réveilla le comte ; il sonna, mit toute la maison sur pied, et les gémissements de madame Michaud qui accouchait par terre, attirèrent le général et ses gens. On releva la pauvre femme mourante, et qui mourut en disant au général :

— Mort ! ils l’ont tué !…