élégante, un peu coquette, et il la pose (le scélérat se proposait ceci depuis longtemps) comme un moxa sur l’épiderme excessivement chatouilleux de Caroline.
Ô vous qui vous écriez souvent : « ─ Je ne sais pas ce qu’a ma femme !… » vous baiserez cette page de philosophie transcendante, car vous allez y trouver la clef du caractère de toutes les femmes !… Mais les connaître aussi bien que je les connais, ce ne sera pas les connaître beaucoup : elles ne se connaissent pas elles-mêmes ! Enfin, Dieu, vous le savez, s’est trompé sur le compte de la seule qu’il ait eue à gouverner et qu’il avait pris le soin de faire.
Caroline veut bien piquer Adolphe à toute heure, mais cette faculté de lâcher de temps en temps une guêpe au conjoint (terme judiciaire) est un droit exclusivement réservé à l’épouse. Adolphe devient un monstre s’il détache sur sa femme une seule mouche. De Caroline, c’est de charmantes plaisanteries, un badinage pour égayer la vie à deux, et dicté surtout par les intentions les plus pures ; tandis que, d’Adolphe, c’est une cruauté de Caraïbe, une méconnaissance du cœur de sa femme et un plan arrêté de lui causer du chagrin. Ceci n’est rien.
— Vous aimez donc bien madame de Fischtaminel ? demande Caroline. Qu’a-t-elle donc dans l’esprit ou dans les manières de si séduisant, cette araignée-là ?
— Mais, Caroline…
— Oh ! ne prenez pas la peine de nier ce goût bizarre, dit-elle en arrêtant une négation sur les lèvres d’Adolphe, il y a longtemps que je m’aperçois que vous me préférez cet échalas (madame de Fischtaminel est maigre). Eh ! bien, allez… vous aurez bientôt reconnu la différence.
Comprenez-vous ? Vous ne pouvez pas soupçonner Caroline d’avoir le moindre goût pour monsieur Deschars (un gros homme commun, rougeaud, un ancien notaire), tandis que vous aimez madame de Fischtaminel ! Et alors Caroline, cette Caroline dont l’innocence vous a tant fait souffrir, Caroline qui s’est familiarisée avec le monde, Caroline devient spirituelle : vous avez deux Taons au lieu d’un.
Le lendemain elle vous demande, en prenant un petit air bon enfant : ─ Où en êtes-vous avec madame de Fischtaminel ?…
Quand vous sortez, elle vous dit : ─ Va, mon ami, va prendre les eaux !