— L’estomac est un centre qui communique avec tous les organes ?
— Le nez est donc un organe ?
— Oui.
— Ton organe te sert bien mal en ce moment… (Elle lève les yeux et hausse les épaules.) Voyons ! que t’ai-je fait, Adolphe ?
— Mais rien, je plaisante, et j’ai le malheur de ne pas te plaire, répond Adolphe en souriant.
— Mon malheur, à moi, c’est d’être ta femme. Oh ! que ne suis-je celle d’un autre !
— Nous sommes d’accord !
— Si, me nommant autrement, j’avais la naïveté de dire, comme les coquettes qui veulent savoir où elles en sont avec un homme : « Mon nez est d’un rouge inquiétant ! » en me regardant à la glace avec des minauderies de singe, tu me répondrais : « Oh ! madame, vous vous calomniez ! D’abord, cela ne se voit pas ; puis c’est en harmonie avec la couleur de votre teint… Nous sommes d’ailleurs tous ainsi après dîner ! » et tu partirais de là pour me faire des compliments… Est-ce que je dis, moi, que tu engraisses, que tu prends des couleurs de maçon, et que j’aime les hommes pâles et maigres ?…
On dit à Londres : Ne touchez pas à la hache ! En France, il faut dire : Ne touchez pas au nez de la femme…
— Et tout cela pour un peu trop de cinabre naturel ! s’écrie Adolphe. Prends-t’en au bon Dieu, qui se mêle d’étendre de la couleur plus dans un endroit que dans un autre, non à moi… qui t’aime… qui te veux parfaite, et qui te crie : Gare !
— Tu m’aimes trop, alors, car depuis quelque temps tu t’étudies à me dire des choses désagréables, tu cherches à me dénigrer sous prétexte de me perfectionner… J’ai été trouvée parfaite, il y a cinq ans…
— Moi, je te trouve mieux que parfaite, tu es charmante !…
— Avec trop de cinabre ?
Adolphe, qui voit sur la figure de sa femme un air hyperboréen, s’approche, se met sur une chaise à côté d’elle. Caroline, ne pouvant pas décemment s’en aller, donne un coup de côté sur sa robe comme pour opérer une séparation. Ce mouvement-là, certaines femmes l’accomplissent avec une impertinence provocante ; mais il a deux significations : c’est, en terme de whist, ou une