Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/621

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couturière, mais à une condition : vous voyez que j’ai fini par trouver l’étoffe de sa robe, je veux que vous me fassiez la mienne absolument pareille à la sienne. J’avoue que je ne fis pas attention tout d’abord au sourire assez fin de la couturière, je le vis cependant, et plus tard je me l’expliquai. Pareille, lui dis-je ; mais à s’y méprendre !

— Oh ! dit l’interlocutrice en s’interrompant et me regardant, vous nous apprenez à être comme des araignées au centre de leur toile, à tout voir sans avoir l’air d’avoir vu, à chercher l’esprit de toute chose, à étudier les mots, les gestes, les regards ! Vous dites : Les femmes sont bien fines ! Dites donc : Les hommes sont bien faux !

— Ce qu’il m’a fallu de soins, de pas et de démarches pour arriver à être le sosie de madame de Fischtaminel !… ─ Enfin, c’est nos batailles à nous, ma petite, dit-elle en continuant et revenant à mademoiselle Joséphine. Je ne trouvais pas un certain petit châle de cou, brodé : une merveille ! enfin, je finis par découvrir qu’il a été fait exprès. Je déniche l’ouvrière, je lui demande un châle pareil à celui de madame de Fischtaminel. Une bagatelle ! cent cinquante francs. Il avait été commandé par un monsieur qui l’avait offert à madame de Fischtaminel. Mes économies y passent. Nous sommes toutes, nous autres Parisiennes, extrêmement tenues en bride à l’article toilette. Il n’est pas un homme de cent mille livres de rente à qui le whist ne coûte dix mille francs par hiver, qui ne trouve sa femme dépensière et ne redoute ses chiffons ! Mes économies, soit ! me disais-je. J’avais une petite fierté de femme qui aime : je ne voulais pas lui parler de cette toilette, je voulais lui en faire une surprise, bécasse que j’étais ! Oh ! comme vous nous enlevez notre sainte niaiserie !…

Ceci fut encore dit pour moi qui n’avais rien enlevé à cette dame, ni dent, ni quoi que ce soit des choses nommées et innommées qu’on peut enlever à une femme.

— Ah ! il faut te dire, ma chère, qu’il me menait chez madame de Fischtaminel, où je dînais même assez souvent. J’entendais cette femme disant : ─ Mais elle est bien, votre femme ! Elle avait avec moi un petit ton de protection que je souffrais ; mon mari me souhaitait d’avoir l’esprit de cette femme et sa prépondérance dans le monde. Enfin ce phénix des femmes était mon modèle, je l’étudiais, je me donnais un mal horrible à n’être pas