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Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/623

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sur cette belle déclaration des droits de l’homme. Il ne revint pas pour dîner, et rentra fort tard. Je vous le jure, je restai dans ma chambre à pleurer comme une Madeleine, au coin de mon feu. Je vous permets de vous moquer de moi, dit-elle en me regardant, mais je pleurai sur mes illusions de jeune mariée, je pleurai de dépit d’avoir été prise pour une dupe. Je me rappelai le sourire de la couturière ! Ah ! ce sourire me remit en mémoire les sourires de bien des femmes qui riaient de me voir petite fille chez madame de Fischtaminel ; je pleurai sincèrement. Jusque-là je pouvais croire à bien des choses qui n’existaient plus chez mon mari, mais que les jeunes femmes s’obstinent à supposer. Combien de grandes misères dans cette petite misère ! Vous êtes de grossiers personnages ! Il n’y a pas une femme qui ne pousse la délicatesse jusqu’à broder des plus jolis mensonges le voile avec lequel elle vous couvre son passé, tandis que vous autres… Mais je me suis vengée.

— Madame, lui dis-je, vous allez trop instruire mademoiselle.

— C’est vrai, dit-elle, je vous dirai la fin dans un autre moment.

— Ainsi, mademoiselle, vous le voyez, dis-je, vous croyez acheter un châle, et vous vous trouvez une petite misère sur le cou ; si vous vous le faites donner…

— C’en est une grande, dit la femme comme il faut. Restons-en là.

La morale de cette fable est qu’il faut porter son châle sans y trop réfléchir. Les anciens prophètes appelaient déjà ce monde une vallée de misère. Or, dans ce temps, les Orientaux avaient, avec la permission des autorités constituées, de jolies esclaves, outre leurs femmes ! Comment appellerons-nous la vallée de la Seine entre le Calvaire et Charenton, où la loi ne permet qu’une seule femme légitime !





L’AMADIS-OMNIBUS.


Vous comprenez que je me mis à mâchonner le bout de ma canne, à consulter la corniche, à regarder le feu, à examiner le pied de Caroline, et je tins bon jusqu’à ce que la demoiselle à marier fût partie.