Fanandels, m’a dit que la Cigogne voulait se défaire de toi, tant elle te craignait.
— Mais, dit La Pouraille avec une naïveté qui prouve combien les voleurs sont pénétrés du droit naturel de voler, je suis riche à présent, que craignent-ils ?
— Nous n’avons pas le temps de faire de la philosophie, dit Jacques Collin. Revenons à ta situation…
— Que veux-tu faire de moi ? demanda La Pouraille en interrompant son dab.
— Tu vas voir ! un chien mort vaut encore quelque chose.
— Pour les autres ! dit La Pouraille.
— Je te prends dans mon jeu ! répliqua Jacques Collin.
— C’est déjà quelque chose !… dit l’assassin. Après ?
— Je ne demande pas où est ton argent, mais ce que tu veux en faire ?
La Pouraille espionna l’œil impénétrable du dab, qui continua froidement.
— As-tu quelque largue que tu aimes, un enfant, un fanandel à protéger ? je serai dehors dans une heure, je pourrai tout pour ceux à qui tu veux du bien.
La Pouraille hésitait encore, il restait au port d’armes de l’indécision. Jacques Collin fit alors avancer un dernier argument.
— Ta part dans notre caisse est de trente mille francs, la laisses-tu aux fanandels, la donnes-tu à quelqu’un ? Ta part est en sûreté, je puis la remettre ce soir à qui tu veux la léguer.
L’assassin laissa échapper un mouvement de plaisir.
— Je le tiens ! se dit Jacques Collin. — Mais ne flânons pas, réfléchis ?… reprit-il en parlant à l’oreille de La Pouraille. Mon vieux, nous n’avons pas dix minutes à nous… Le procureur général va me demander et je vais avoir une conférence avec lui. Je le tiens, cet homme, je puis tordre le cou à la Cigogne ! je suis certain de sauver Madeleine.
— Si tu sauves Madeleine, mon bon dab, tu peux bien me…
— Ne perdons pas notre salive, dit Jacques Collin d’une voix brève. Fais ton testament.
— Eh ! bien ! je voudrais donner l’argent à la Gonore, répondit La Pouraille d’un air piteux.
— Tiens !… tu vis avec la veuve de Moïse, ce juif qui était à la piste des rouleurs du midi ? demanda Jacques Collin.