Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/80

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ment se condense chimiquement en un fluide, peut-être pareil à celui de l’électricité.

Ce fut chez le forçat et chez la duchesse même phénomène. Cette femme abattue, mourante, et qui n’avait pas dormi, cette duchesse, si difficile à habiller, recouvra la force d’une lionne aux abois, et la présence d’esprit d’un général au milieu du feu. Diane choisit elle-même ses vêtements et improvisa sa toilette avec la célérité qu’y eût mise une grisette qui se sert de femme de chambre à elle-même. Ce fut si merveilleux, que la soubrette resta sur ses jambes, immobile pendant un instant, tant elle fut surprise de voir sa maîtresse en chemise, laissant peut-être avec plaisir apercevoir à la femme du juge, à travers le brouillard clair du lin, un corps blanc, aussi parfait que celui de la Vénus de Canova. C’était comme un bijou sous son papier de soie. Diane avait deviné soudain où se trouvait son corset de bonne fortune, ce corset qui s’accroche par devant, en évitant aux femmes pressées la fatigue et le temps si mal employé du laçage. Elle avait déjà fixé les dentelles de la chemise et massé convenablement les beautés de son corsage, lorsque la femme de chambre apporta le jupon, et acheva l’œuvre en donnant une robe. Pendant qu’Amélie, sur un signe de la femme de chambre, agrafait la robe par derrière et aidait la duchesse, la soubrette alla prendre des bas en fil d’Écosse, des brodequins de velours, un châle et un chapeau. Amélie et la femme de chambre chaussèrent chacune une jambe.

— Vous êtes la plus belle femme que j’aie vue, dit habilement Amélie en baisant le genou fin et poli de Diane par un mouvement passionné.

— Madame n’a pas sa pareille, dit la femme de chambre.

— Allons, Josette, taisez-vous, répliqua la duchesse. — Vous avez une voiture ? dit-elle à madame Camusot. Allons, ma petite belle, nous causerons en route. Et la duchesse descendit le grand escalier de l’hôtel de Cadignan en courant et en mettant ses gants, ce qui ne s’était jamais vu.

— À l’hôtel de Grandlieu, et promptement ! dit-elle à l’un de ses domestiques, en lui faisant signe de monter derrière la voiture.

Le valet hésita, car cette voiture était un fiacre.

— Ah ! madame la duchesse, vous ne m’aviez pas dit que ce jeune homme avait des lettres de vous ! sans cela, Camusot aurait bien autrement procédé…