On m’a changé mon ami.
Monipodio, souviens-toi que des hommes comme nous ne doivent s’étonner de rien. C’est petites gens. Le roi nous a donné le vaisseau, mais sans un doublon pour l’aller chercher ; nous arrivons donc ici avec les deux fidèles compagnons du talent : la faim et la soif. Un homme pauvre, qui trouve une bonne idée, m’a toujours fait l’effet d’un morceau de pain dans un vivier : chaque poisson vient lui donner un coup de dent. Nous pourrons arriver à la gloire, nus et mourants.
Tu es dans le vrai.
À Valladolid, un matin, mon maître, las du combat, a failli partager avec un savant qui ne savait rien… je vous l’ai mis à la porte avec une proposition en bois vert que je lui ai démontrée, et vivement.
Mais, comment pourrons-nous gagner honnêtement une fortune ?
Mon maître est amoureux. L’amour fait faire autant de sottises que de grandes choses ; Fontanarès a fait les grandes choses, il pourrait bien faire les sottises. Il s’agit, nous deux, de protéger notre protecteur. D’abord, mon maître est un savant qui ne sait pas compter…
Oh ! prenant un maître, tu l’as dû choisir…
Le dévouement, l’adresse valent mieux pour lui que l’argent et la faveur ; car pour lui la faveur et l’argent seront des trébuchets. Je le connais ; il nous donnera ou nous laissera prendre de quoi finir nos jours en honnêtes gens.
Eh ! voilà mon rêve.
Déployons donc, pour une grande entreprise, nos talents jusqu’ici fourvoyés… Nous aurions bien du malheur si le diable s’en fâchait.