Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 19.djvu/175

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FRÉGOSE.

Paquita, ne répétez pas cet ordre.

FAUSTINE.

L’autre jour, m’a-t-on dit, la reine Catherine de Médicis fit demander à madame Diane de Poitiers les bijoux qu’elle tenait de Henri II : Diane les lui a renvoyés fondus en un lingot. Paquita, va chercher le bijoutier.

FRÉGOSE.

N’en faites rien et sortez.

(sort Paquita.)

Scène X.

Les mêmes, moins PAQUITA.
FAUSTINE.

Je ne suis point encore la marquise de Frégose, comment osez-vous donner des ordres chez moi ?

FRÉGOSE.

C’est à moi d’en recevoir, je le sais. Ma fortune vaut-elle une de vos paroles ? pardonnez à un mouvement de désespoir.

FAUSTINE.

On doit être gentilhomme jusque dans son désespoir ; et le vôtre fait de Faustine une courtisane. Ah ! vous voulez être adoré ?… Mais la dernière Vénitienne vous dirait que cela coûte très-cher.

FRÉGOSE.

J’ai mérité cette terrible colère.

FAUSTINE.

Vous dites aimer ? Aimer ! c’est se dévouer sans attendre la moindre récompense ; aimer ! c’est vivre sous un autre soleil auquel on tremble d’atteindre. N’habillez pas votre égoïsme des splendeurs du véritable amour. Une femme mariée, Laure de Noves a dit à Pétrarque : Tu seras à moi sans espoir, reste dans la vie sans amour. Mais l’Italie a couronné l’amant sublime en couronnant le poëte, et les siècles à venir admireront toujours Laure et Pétrarque !

FRÉGOSE.

Je n’aimais déjà pas beaucoup les poëtes, mais celui-là, je l’exècre ! Toutes les femmes jusqu’à la fin du monde le jetteront à la tête des amants qu’elles voudront garder sans les prendre.

FAUSTINE.

On vous dit général, vous n’êtes qu’un soldat.