Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 19.djvu/334

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FERDINAND.

C’est cela.

RAMEL.

Pour pouvoir épouser mademoiselle de Boudeville, j’ai obtenu la permission de prendre, comme toi, le nom de ma mère. La famille Boudeville me protége, et, dans un an, je serai, sans doute, avocat général à Rouen… un marchepied pour aller à Paris.

FERDINAND.

Et pourquoi viens-tu dans notre paisible fabrique ?

RAMEL.

Pour une instruction criminelle, une affaire d’empoisonnement. C’est un beau début. (Entre Félix.)

FÉLIX.

Ah ! Monsieur, madame est d’une inquiétude…

FERDINAND.

Dis que je suis en affaire. (Félix sort.) Mon cher Eugène, dans le cas où le général, qui est très-curieux, comme tous les vieux troupiers désœuvrés, te demanderait comment nous nous sommes rencontrés, n’oublie pas de dire que nous sommes venus par la grande avenue… C’est capital pour moi… Revenons à ton affaire. C’est pour la femme à Champagne, notre contre-maître, que tu es venu ici ; mais il est innocent comme l’enfant qui naît !

RAMEL.

Tu crois cela, toi ? La justice est payée pour être incrédule. Je vois que tu es resté ce que je t’ai laissé, le plus noble, le plus enthousiaste garçon du monde, un poëte enfin ! un poëte qui met la poésie dans sa vie au lieu de l’écrire, croyant au bien, au beau ! Ah çà ! et l’ange de tes rêves, et ta Gertrude, qu’est-elle devenue ?

FERDINAND.

Chut ! ce n’est pas seulement le ministre de la justice, c’est un peu le ciel qui t’a envoyé à Louviers ; car j’avais besoin d’un ami dans la crise affreuse où tu me trouves. Écoute, Eugène, viens ici. C’est à mon ami de collège, c’est au confident de ma jeunesse que je vais m’adresser : tu ne seras jamais un procureur du roi pour moi, n’est-ce pas ? Tu vas voir par la nature de mes aveux qu’ils exigent le secret du confesseur.

RAMEL.

Y aurait-il quelque chose de criminel ?