Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 19.djvu/351

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

VERNON.

C’est à vous à donner, général.

LE GÉNÉRAL.

À moi ?… Tu devrais te marier, Vernon, nous irions chez toi comme tu viens ici, tu aurais tous les bonheurs de la famille. Voyez-vous, Godard, il n’y a pas dans le département un homme plus heureux que moi.

VERNON.

Quand on est en retard de soixante-sept ans sur le bonheur, on ne peut plus se rattraper. Je mourrai garçon.

(Les deux femmes se mettent à travailler à la même tapisserie.)
GERTRUDE, avec Pauline sur le devant de la scène.

Eh bien ! mon enfant, Godard m’a dit que tu l’avais reçu plus que froidement ; c’est cependant un bien bon parti.

PAULINE.

Mon père, Madame, me laisse la liberté de choisir moi-même un mari.

GERTRUDE.

Sais-tu ce que dira Godard ? Il dira que tu l’as refusé parce que tu as déjà choisi quelqu’un.

PAULINE.

Si c’était vrai, mon père et vous, vous le sauriez. Quelle raison aurais-je de manquer de confiance en vous ?

GERTRUDE.

Qui sait ? je ne t’en blâmerais pas. Vois-tu, ma chère Pauline, en fait d’amour, il y en a dont le secret est héroïquement gardé par les femmes, gardé au milieu des plus cruels supplices.

PAULINE, à part, ramassant ses ciseaux qu’elle a laissé tomber.

Ferdinand m’avait bien dit de me méfier d’elle… Est-elle insinuante !

GERTRUDE.

Tu pourrais avoir dans le cœur un de ces amours-là ! Si un pareil malheur t’arrivait, compte sur moi… Je t’aime, vois-tu je fléchirai ton père ; il a quelque confiance en moi, je puis même beaucoup sur son esprit, sur son caractère. ainsi, chère enfant, ouvre-moi ton cœur ?

PAULINE.

Vous y lisez, Madame, je ne vous cache rien.