Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 19.djvu/385

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PAULINE.

Oh ! assez pour savoir qu’elles vous perdent.

GERTRUDE.

Pauline, la vie commence pour toi. (On frappe.) Ferdinand est le premier homme, jeune, bien élevé, supérieur, car il est supérieur, qui se soit offert à tes regards ; mais il y en a bien d’autres dans le monde… Ferdinand était en quelque sorte sous notre toit, tu le voyais tous les jours ; c’est donc sur lui que se sont portés les premiers mouvements de ton cœur. Je conçois cela, c’est tout naturel ? À ta place, j’eusse sans doute éprouvé les mêmes sentiments. Mais, ma petite, tu ne connais, toi, ni la société, ni la vie. Et si, comme beaucoup de femmes, tu te trompais… car on se trompe, va ! Toi, tu peux choisir encore ; mais, pour moi, tout est dit, je n’ai plus de choix à faire. Ferdinand est tout pour moi, car j’ai passé trente ans, et je lui ai sacrifié ce qu’on ne devrait jamais faire, l’honneur d’un vieillard. Tu as le champ libre, tu peux aimer quelqu’un encore, mieux que tu n’aimes aujourd’hui… cela nous arrive. Eh bien ! renonce à lui, et tu ne sais quelle esclave dévouée tu auras en moi ! tu auras plus qu’une mère, plus qu’une amie, tu auras une âme damnée… Oh ! tiens !… (Elle se met à genoux et lève les mains sur le corsage de Pauline.) Me voici à tes pieds, et tu es ma rivale !… suis-je assez humiliée ? et si tu savais ce que cela coûte à une femme… Grâce ! grâce pour moi. (On frappe très-fort, elle profite de l’effroi de Pauline pour tâter les lettres.) Rends-moi la vie… (À part.) Elle les a.

PAULINE.

Eh ! laissez-moi, Madame ! Ah ! faut-il que j’appelle ?

(Elle repoussa Gertrude et va ouvrir.)
GERTRUDE, à part.

Je ne me trompais pas, elles sont sur elle ; mais il ne faut pas les lui laisser une heure.


Scène .

Les mêmes, LE GÉNÉRAL, VERNON.
LE GÉNÉRAL.

Enfermées toutes deux ! Pourquoi ce cri, Pauline ?