Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 19.djvu/53

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mêmes ! Ah çà, vous ai-je triés comme des graines sur un volet, dans trois résidences différentes, pour vous laisser tourner autour du gibet comme des mouches autour d’une chandelle ? Sachez-le bien, chez nous une imprudence est toujours un crime. Vous devez avoir un air si complètement innocent, que c’était à toi, Philosophe, à te laisser découdre tes galons. N’oubliez donc jamais votre rôle vous êtes des honnêtes gens, des domestiques fidèles, et qui adorez M. Raoul de Frescas, votre maître.

BUTEUX.

Vous faites de ce jeune homme un dieu ? vous nous avez attelés à sa brouette ; mais nous ne le connaissons pas plus qu’il ne nous connaît.

PHILOSOPHE.

Enfin, est-il des nôtres ?

FIL-DE-SOIE.

Où ça nous mène-t-il !

LAFOURAILLE.

Nous vous obéissons à la condition de reconstituer la Société des Dix Mille, de ne jamais nous attribuer moins de dix mille francs d’un coup, et nous n’avons pas encore le moindre fonds social.

FIL-DE-SOIE.

Quand serons-nous capitalistes ?

BUTEUX.

Si les camarades savaient que je me déguise en vieux portier depuis six mois, gratis, je serais déshonoré. Si je veux bien risquer mon cou, c’est afin de donner du pain à mon Adèle, que vous m’avez défendu de voir, et qui depuis six mois sera devenue sèche comme une allumette.

LAFOURAILLE., aux deux autres.

Elle est en prison. Pauvre homme ménageons sa sensibilité.

VAUTRIN.

Avez-vous fini ? Ah çà, vous faites la noce ici depuis six mois, vous mangez comme des diplomates, vous buvez comme des Polonais, rien ne vous manque.

BUTEUX.

On se rouille !

VAUTRIN.

Grâce à moi, la police vous a oubliés ! c’est à moi seul que vous devez cette existence heureuse ! j’ai effacé sur vos fronts cette