Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 11.djvu/115

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s’étonne quelquefois du sourire de certaines femmes, de leur air de supériorité avec leurs maris, de leur indifférence…

Elle laissa tomber sa main le long du bras de son fauteuil, sans achever, mais ce geste complétait admirablement son discours. Comme elle vit d’Arthez occupé d’examiner sa taille flexible, si bien pliée au fond de son moelleux fauteuil, occupé des jeux de sa robe, et d’une jolie petite fronsure qui badinait sur le busc, une de ces hardiesses de toilette qui ne vont qu’aux tailles assez minces pour ne pouvoir jamais rien perdre, elle reprit l’ordre de ses pensées comme si elle se parlait à elle-même.

— Je ne continue pas. Vous avez fini, vous autres écrivains, par rendre bien ridicules les femmes qui se prétendent méconnues, qui sont mal mariées, qui se font dramatiques, intéressantes, ce qui me semble être du dernier bourgeois. On plie et tout est dit, ou l’on résiste et l’on s’amuse. Dans les deux cas, on doit se taire. Il est vrai que je n’ai su, ni tout à fait plier, ni tout à fait résister ; mais peut-être était-ce une raison encore plus grave de garder le silence. Quelle sottise aux femmes de se plaindre ! Si elles n’ont pas été les plus fortes, elles ont manqué d’esprit, de tact, de finesse, elles méritent leur sort. Ne sont-elles pas les reines en France ? Elles se jouent de vous comme elles le veulent, quand elles le veulent, et autant qu’elles le veulent. Elle fit danser sa cassolette par un mouvement merveilleux d’impertinence féminine et de gaieté railleuse. — J’ai souvent entendu de misérables petites espèces regretter d’être femmes, vouloir être hommes ; je les ai toujours regardées en pitié, dit-elle en continuant. Si j’avais à opter, je préférerais encore être femme. Le beau plaisir de devoir ses triomphes à la force, à toutes les puissances que vous donnent des lois faites par vous ! Mais quand nous vous voyons à nos pieds disant et faisant des sottises, n’est-ce donc pas un enivrant bonheur que de sentir en soi la faiblesse qui triomphe ? Quand nous réussissons, nous devons donc garder le silence, sous peine de perdre notre empire. Battues, les femmes doivent encore se taire par fierté : le silence de l’esclave épouvante le maître.

Ce caquetage fut sifflé d’une voix si doucement moqueuse, si mignonne, avec des mouvements de tête si coquets, que d’Arthez, à qui ce genre de femme était totalement inconnu, restait exactement comme la perdrix charmée par le chien de chasse.

— Je vous en prie, madame, dit-il enfin, expliquez-moi com-