Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 11.djvu/352

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littéraire. Lucien ne sut rien répondre au patelinage de Blondet, dont l’esprit exerçait d’ailleurs sur lui d’irrésistibles séductions, qui conservait l’ascendant du corrupteur sur l’élève, et qui d’ailleurs était bien posé dans le monde par sa liaison avec la comtesse de Montcornet.

— Avez-vous hérité d’un oncle ? lui dit Finot d’un air railleur.

— J’ai mis, comme vous, les sots en coupes réglées, lui répondit Lucien sur le même ton.

— Monsieur aurait une Revue, un journal quelconque ? reprit Andoche Finot avec la suffisance impertinente que déploie l’exploitant envers son exploité.

— J’ai mieux, répliqua Lucien dont la vanité blessée par la supériorité qu’affectait le rédacteur en chef lui rendit l’esprit de sa nouvelle position.

— Et, qu’avez-vous, mon cher ?…

— J’ai un Parti.

— Il y a le parti Lucien ? dit en souriant Vernou.

— Finot, te voilà distancé par ce garçon-là, je te l’ai prédit. Lucien a du talent, tu ne l’as pas ménagé, tu l’as roué. Repens-toi, gros butor, reprit Blondet.

Fin comme le musc, Blondet vit plus d’un secret dans l’accent, dans le geste, dans l’air de Lucien ; tout en l’adoucissant, il sut donc resserrer par ces paroles la gourmette de la bride. Il voulait connaître les raisons du retour de Lucien à Paris, ses projets, ses moyens d’existence.

— À genoux devant une supériorité que tu n’auras jamais, quoique tu sois Finot ! reprit-il. Admets monsieur, et sur-le-champ, au nombre des hommes forts à qui l’avenir appartient, il est des nôtres ! Spirituel et beau, ne doit-il pas arriver par tes quibuscumque viis ? Le voilà dans sa bonne armure de Milan, avec sa puissante dague à moitié tirée, et son pennon arboré ! Tudieu ! Lucien, où donc as-tu volé ce joli gilet ? Il n’y a que l’amour pour savoir trouver de pareilles étoffes. Avons-nous un domicile ? Dans ce moment j’ai besoin de savoir les adresses de mes amis, je ne sais où coucher. Finot m’a mis à la porte pour ce soir, sous le vulgaire prétexte d’une bonne fortune.

— Mon cher, répondit Lucien, j’ai mis en pratique un axiome avec lequel on est sûr de vivre tranquille : Fuge, late, tace. Je vous laisse.