Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 12.djvu/139

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cipes. Je suis sans pitié pour ceux qui me font des frais ou qui ne savent pas leur métier de créancier. Suzon, mon thé ! Tu vois monsieur ?… dit-il au valet de chambre. Eh ! bien, tu t’es laissé attraper, mon pauvre vieux. Monsieur est un créancier, tu aurais dû le reconnaître à ses bottes. Ni mes amis, ni des indifférents qui ont besoin de moi, ni mes ennemis ne viennent me voir à pied. Mon cher monsieur Cérizet, vous comprenez ! Vous n’essuierez plus vos bottes sur mon tapis, dit-il en regardant la crotte qui blanchissait les semelles de son adversaire… Vous ferez mes compliments de condoléance à ce pauvre Boniface de Claparon, car je mettrai cette affaire-là dans le Z. — (Tout cela se disait d’un ton de bonhomie à donner la colique à de vertueux bourgeois.) — Vous avez tort, monsieur le comte, répondit Cérizet en prenant un petit ton péremptoire, nous serons payés intégralement, et d’une façon qui pourra vous contrarier. Aussi venais-je amicalement à vous, comme cela se doit entre gens bien élevés… — Ah ! vous l’entendez ainsi ?… » reprit Maxime, que cette dernière prétention du Cérizet mit en colère. Dans cette insolence, il y avait de l’esprit à la Talleyrand, si vous avez bien saisi le contraste des deux costumes et des deux hommes. Maxime fronça les sourcils et arrêta son regard sur le Cérizet, qui non seulement soutint ce jet de rage froide, mais encore qui y répondit par cette malice glaciale que distillent les yeux fixes d’une chatte. — « Eh ! bien, monsieur, sortez… — Eh ! bien, adieu, monsieur le comte. Avant six mois nous serons quittes. — Si vous pouvez me voler le montant de votre créance, qui, je le reconnais, est légitime, je serai votre obligé, monsieur, répondit Maxime, vous m’aurez appris quelque précaution nouvelle à prendre… Bien votre serviteur… — Monsieur le comte, dit Cérizet, c’est moi qui suis le vôtre. » Ce fut net, plein de force et de sécurité de part et d’autre. Deux tigres, qui se consultent avant de se battre devant une proie, ne seraient pas plus beaux, ni plus rusés, que le furent alors ces deux natures aussi rouées l’une que l’autre, l’une dans son impertinente élégance, l’autre sous son harnais de fange. — Pour qui pariez-vous ?… dit Desroches qui regarda son auditoire surpris d’être si profondément intéressé.

— En voilà une d’histoire !… dit Malaga. Oh ! je vous en prie, allez, mon cher, ça me prend au cœur.

— Entre deux chiens de cette force, il ne doit se passer rien de vulgaire, dit la Palferine.