Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 12.djvu/140

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Bah ! je parie le mémoire de mon menuisier qui me scie, que le petit crapaud a enfoncé Maxime, s’écria Malaga.

— Je parie pour Maxime, dit Cardot, on ne l’a jamais pris sans vert.

Desroches fit une pause en avalant un petit verre que lui présenta la Lorette.

— Le cabinet de lecture de mademoiselle Chocardelle, reprit Desroches, était situé rue Coquenard, à deux pas de la rue Pigale, où demeurait Maxime. Ladite demoiselle Chocardelle occupait un petit appartement donnant sur un jardin, et séparé de sa boutique par une grande pièce obscure où se trouvaient les livres. Antonia faisait tenir le cabinet par sa tante…

— Elle avait déjà sa tante ?… s’écria Malaga. Diable ! Maxime faisait bien les choses.

— C’était, hélas ! sa vraie tante, reprit Desroches, nommée… attendez !…

— Ida Bonamy… dit Bixiou.

— Donc, Antonia, débarrassée de beaucoup de soins par cette tante, se levait tard, se couchait tard, et ne paraissait à son comptoir que de deux à quatre heures, reprit Desroches. Dès les premiers jours, sa présence avait suffi pour achalander son salon de lecture ; il y vint plusieurs vieillards du quartier, entre autres un ancien carrossier, nommé Croizeau. Après avoir vu ce miracle de beauté féminine à travers les vitres, l’ancien carrossier s’ingéra de lire les journaux tous les jours dans ce salon, et fut imité par un ancien directeur des douanes, nommé Denisart, homme décoré, dans qui le Croizeau voulut voir un rival et à qui plus tard il dit : — Môsieur, vous m’avez donné bien de la tablature ! Ce mot doit vous faire entrevoir le personnage. Ce sieur Croizeau se trouve appartenir à ce genre de petits vieillards que, depuis Henri Monnier, on devrait appeler l’Espèce-Coquerel, tant il en a bien rendu la petite voix, les petites manières, la petite queue, le petit œil de poudre, la petite démarche, les petits airs de tête, le petit ton sec dans son rôle de Coquerel de la Famille improvisée. Ce Croizeau disait : — Voici, belle dame ! en remettant ses deux sous à Antonia par un geste prétentieux. Madame Ida Bonamy tante de mademoiselle Chocardelle, sut bientôt par la cuisinière que l’ancien carrossier, homme d’une ladrerie excessive, était taxé à quarante mille francs de rentes dans le quartier où il demeurait, rue de Buffault. Huit jours après l’installation de la belle loueuse