Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 12.djvu/257

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mieux fait d’aller en plaine. Qui diable eût pensé à se défier des airs !

— On apprend toujours ! dit le notaire ; mais il était bien loin et nous causions de bouche à oreille.

— Je vais en dire deux mots à Corentin, répondit Malin.

Quelques instants après, Michu rentra chez lui pâle et le visage contracté.

— Qu’as-tu ? lui dit sa femme épouvantée.

— Rien, répondit-il en voyant Violette dont la présence fut pour lui un coup de foudre.

Michu prit une chaise, se mit devant le feu tranquillement, et y jeta une lettre en la tirant d’un de ces tubes en fer-blanc que l’on donne aux soldats pour serrer leurs papiers. Cette action, qui permit à Marthe de respirer comme une personne déchargée d’un poids énorme, intrigua beaucoup Violette. Le régisseur posa sa carabine sur le manteau de la cheminée avec un admirable sang-froid. Marianne et la mère de Marthe filaient à la lueur d’une lampe.

— Allons, François, dit le père, couchons-nous. Veux-tu te coucher ?

Il prit brutalement son fils par le milieu du corps et l’emporta. — Descends à la cave, lui dit-il à l’oreille quand il fut dans l’escalier, remplis deux bouteilles de vin de Mâcon après en avoir vidé le tiers, avec de cette eau-de-vie de Cognac qui est sur la planche à bouteilles ; puis, mêle dans une bouteille de vin blanc moitié d’eau-de-vie. Fais cela bien adroitement, et mets les trois bouteilles sur le tonneau vide qui est à l’entrée de la cave. Quand j’ouvrirai la fenêtre, sors de la cave, selle mon cheval, monte dessus, et va m’attendre au Poteau-des-Gueux. — Le petit drôle ne veut jamais se coucher, dit le régisseur en rentrant, il veut faire comme les grandes personnes, tout voir, tout entendre, tout savoir. Vous me gâtez mon monde, père Violette.

— Bon Dieu ! bon Dieu ! s’écria Violette, qui vous a délié la langue ? Vous n’en avez jamais tant dit.

— Croyez-vous que je me laisse espionner sans m’en apercevoir ? Vous n’êtes pas du bon côté, mon père Violette. Si, au lieu de servir ceux qui m’en veulent, vous étiez pour moi, je ferais mieux pour vous que de vous renouveler votre bail…

— Quoi encore ? dit le paysan avide en ouvrant de grands yeux.