Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 12.djvu/297

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Il était tout pensif au milieu du salon, la main appuyée sur la poignée de son sabre, et l’œil sur les deux Parisiens. Les Durieu, stupéfaits, et tous les gens du château formaient un groupe admirable d’inquiétude. Sans les pleurs convulsifs de Gothard, on eût entendu les mouches voler.

Quand la mère, épouvantée et pâle, ouvrit la porte et se montra presque traînée par mademoiselle Goujet, dont les yeux rouges avaient pleuré, tous ces visages se tournèrent vers les deux femmes. Les deux agents espéraient autant que tremblaient les habitants du château de voir entrer Laurence. Le mouvement spontané des gens et des maîtres sembla produit comme par un de ces mécanismes qui font accomplir à des figures de bois un seul et unique geste ou un clignement d’yeux.

Madame d’Hauteserre s’avança par trois grands pas précipités vers Corentin, et lui dit d’une voix entrecoupée mais violente : — Par pitié, monsieur, de quoi mes fils sont-ils accusés ? Et croyez-vous donc qu’ils soient venus ici ?

Le curé, qui semblait s’être dit en voyant la vieille dame : — Elle va faire quelque sottise ! baissa les yeux.

— Mes devoirs et la mission que j’accomplis me défendent de vous le dire, répondit Corentin d’un air à la fois gracieux et railleur.

Ce refus, que la détestable courtoisie de ce mirliflor rendait encore plus implacable, pétrifia cette vieille mère qui tomba sur un fauteuil auprès de l’abbé Goujet, joignit les mains et fit un vœu.

— Où avez-vous arrêté ce pleurard ? demanda Corentin au brigadier en désignant le petit écuyer de Laurence.

— Dans le chemin qui mène à la ferme, le long des murs du parc, le drôle allait gagner le bois des Closeaux.

— Et cette fille ?

— Elle ? c’est Olivier qui l’a pincée.

— Où allait-elle ?

— Vers Gondreville.

— Ils se tournaient le dos ? dit Corentin.

— Oui, répondit le gendarme.

— N’est-ce pas le petit domestique et la femme de chambre de la citoyenne Cinq-Cygne ? dit Corentin au maire.

— Oui, répondit Goulard.

Après avoir échangé deux mots avec Corentin de bouche à oreille, Peyrade sortit aussitôt en emmenant le brigadier.