Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 12.djvu/355

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— Ah ! bah ! Et pourquoi ? demanda Michu qui s’assit à sa table en disant à sa femme : — Sers-moi, je meurs de faim.

— Vous le savez aussi bien que nous, dit le juge de paix qui fit signe à son greffier de commencer le procès-verbal, après avoir exhibé le mandat d’arrêt au fermier.

— Eh bien, tu fais l’étonné, Gothard. Veux-tu dîner, oui ou non ? dit Michu. Laisse-leur écrire leurs bêtises.

— Vous reconnaissez l’état dans lequel sont vos vêtements ? dit le juge de paix. Vous ne niez pas non plus les paroles que vous avez dites à Gothard dans votre cour.

Michu, servi par sa femme stupéfaite de son sang-froid, mangeait avec l’avidité que donne la faim, et ne répondait point, il avait la bouche pleine et le cœur innocent. L’appétit de Gothard fut suspendu par une horrible crainte.

Voyons, dit le garde champêtre à l’oreille de Michu, qu’avez-vous fait du sénateur ? Il s’en va, pour vous, à entendre les gens de justice, de la peine de mort.

— Ah mon Dieu ! cria Marthe qui surprit les derniers mots et tomba comme foudroyée.

— Violette nous aura joué quelque vilain tour ! s’écria Michu en se souvenant des paroles de Laurence.

— Ah ! vous savez donc que Violette vous a vus, dit le juge de paix.

Michu se mordit les lèvres, et résolut de ne plus rien dire. Gothard imita cette réserve. En voyant l’inutilité de ses efforts pour le faire parler, et connaissant d’ailleurs ce qu’on nommait dans le pays la perversité de Michu, le juge de paix ordonna de lui lier les mains ainsi qu’à Gothard, et de les emmener au château de Cinq-Cygne, sur lequel il se dirigea pour y rejoindre le directeur du jury.

Les gentilshommes et Laurence avaient trop appétit, et le dîner leur offrait un trop violent intérêt pour qu'ils le retardassent en faisant leur toilette. Ils vinrent , elle en amazone, eux en culotte de peau blanche, en bottes à l'écuyère et dans leur veste de drap vert retrouver au salon monsieur et madame d'Hauteserre, qui étaient assez inquiets. Le bonhomme avait remarqué des allées et venues, et surtout la défiance dont il fut l'objet, car Laurence n'avait pu le soumettre à la consigne des gens. Donc , à un moment où l’un de ses fils avait évité de lui répondre en s'enfuyant, il était venu