Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 12.djvu/354

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étaient pour la seconde fois cernés, mais cette fois par la Justice et non par la Police : les transactions, possibles avec l’une, sont souvent impossibles avec l’autre.

Laurence n’avait eu qu’à dire à Marthe, à Catherine et aux Durieu de rester dans le château sans en sortir ni regarder au dehors, pour être strictement obéie par eux. À chaque voyage, les chevaux stationnèrent dans le chemin creux, en face de la brèche, et de là, Robert et Michu, les plus robustes de la troupe, avaient pu transporter secrètement les sacs par la brèche dans une cave située sous l’escalier de la tour dite de Mademoiselle. En arrivant au château vers cinq heures et demie, les quatre gentilshommes et Michu se mirent aussitôt à y enterrer l’or. Laurence et les d’Hauteserre jugèrent convenable de murer le caveau. Michu se chargea de cette opération en se faisant aider par Gothard, qui courut à la ferme chercher quelques sacs de plâtre restés lors de la construction, et Marthe retourna chez elle pour donner secrètement les sacs à Gothard. La ferme bâtie par Michu se trouvait sur l’éminence d’où jadis il avait aperçu les gendarmes, et l’on y allait par le chemin creux. Michu, très affamé, se dépêcha si bien que, vers sept heures et demie, il eut fini sa besogne. Il revenait d’un pas leste, afin d’empêcher Gothard d’apporter un dernier sac de plâtre dont il avait cru avoir besoin. Sa ferme était déjà cernée par le garde champêtre de Cinq-Cygne, par le juge de paix, son greffier et trois gendarmes qui se cachèrent et le laissèrent entrer en l’entendant venir.

Michu rencontra Gothard, un sac sur l’épaule, et lui cria de loin : — C’est fini, petit, reporte-le, et dîne avec nous.

Michu, le front en sueur, les vêtements souillés de plâtre et de débris de pierres meulières boueuses provenant des décombres de la brèche, entra tout joyeux dans la cuisine de sa ferme, où la mère de Marthe et Marthe servaient la soupe en l’attendant.

Au moment où Michu tournait le robinet de la fontaine pour se laver les mains, le juge de paix se présenta, accompagné de son greffier et du garde-champêtre.

— Que nous voulez-vous, monsieur Pigoult ? demanda Michu.

— Au nom de l’Empereur et de la Loi, je vous arrête ! dit le juge de paix.

Les trois gendarmes se montrèrent alors amenant Gothard. En voyant les chapeaux bordés, Marthe et sa mère échangèrent un regard de terreur.