Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 12.djvu/88

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portion serrée par les mains des deux lutteurs, et que le feu n’avait pu mordre. Cette scène s’était passée en un laps de temps moins considérable que le moment d’en lire le récit.

— De quoi pouvait-il être question entre vous et madame de Sérisy ? demanda le ministre d’État à Camusot.

Avant que le juge répondît, la comtesse alla présenter les papiers à la bougie et les jeta sur les fragments de ses lettres que le feu n’avait pas entièrement consumés.

— J’aurais, dit Camusot, à porter plainte contre madame la comtesse.

— Et qu’a-t-elle fait ? demanda le procureur général en regardant alternativement la comtesse et le juge.

— J’ai brûlé les interrogatoires, répondit en riant la femme à la mode si heureuse de son coup de tête qu’elle ne sentait pas encore ses brûlures. Si c’est un crime, eh bien, monsieur peut recommencer ses affreux gribouillages.

— C’est vrai, répondit Camusot en essayant de retrouver sa dignité.

— Hé bien, tout est pour le mieux, dit le procureur général. Mais, chère comtesse, il ne faudrait pas prendre souvent de pareilles libertés avec la magistrature, elle pourrait ne plus voir qui vous êtes.

— Monsieur Camusot résistait bravement à une femme à qui rien ne résiste, l’honneur de la robe est sauvé ! dit en riant le comte de Bauvan.

— Ah ! monsieur Camusot résistait ?… dit en riant le procureur général, il est très fort…

En ce moment, ce grave attentat devint une plaisanterie de jolie femme, et dont riait Camusot lui-même.

Le procureur général aperçut alors un homme qui ne riait pas. Justement effrayé par l’attitude et la physionomie du comte de Sérisy, monsieur de Grandville le prit à part.

— Mon ami, lui dit-il à l’oreille, ta douleur me décide à transiger pour la première et seule fois de ma vie avec mon devoir.

Le magistrat sonna, son garçon de bureau vint.

— Allez au bureau de la Gazette des Tribunaux dire à maître Massol de venir, s’il s’y trouve. — Mon cher maître, reprit le procureur général en attirant Camusot dans l’embrasure de la croisée, allez dans votre cabinet, refaites avec un greffier l’interrogatoire